Quelques heures avant le retour du Play In Challenger de Lille (27 mars – 2 avril), le président du tournoi, Antoine Sueur, répond à nos questions. Organisation du tournoi, sélection des joueurs ou encore présentation du tableau, il nous dit tout ce qu’il faut savoir.
Bonjour Antoine, tout d’abord pouvez-vous nous présenter le Play In Challenger ?
Le Play In Challenger est un tournoi de tennis de type challenger, qui est la deuxième division des tournois professionnels. Il figure dans le top 10 des tournois indoor français, ce qui n’est pas rien. Le vainqueur se voit attribuer 100 points ATP, soit plus qu’un troisième tour à Roland-Garros ou une demi-finale sur un ATP 250.
On est justement dans le calendrier proche de Roland. Cela permet d’attirer certains joueurs qui n’auraient pas totalement assuré leur place et qui viennent au Play In récupérer des points afin d’assurer leur présence dans le tableau final du Grand Chelem parisien.
Pourquoi votre tournoi est-il organisé à cette période ?
On a une marge de manœuvre assez faible sur la date. Celle-ci est donnée par l’ATP, qui a émis le souhait d’avoir un challenger à Lille sur cette période. Cette année, elle a décidé de la décaler d’une semaine, ce qui est particulièrement positif. Cela nous permet de récupérer les éliminés prématurés du Miami Open, le Master 1000 qui démarre une semaine avant nous. C’est le signe que le tournoi gagne en attractivité depuis sa création en 2018.
Évidemment, étant à la fin de la saison d’indoor, on aimerait que le Play In soit plus tôt mais le calendrier de l’ATP est déjà très chargé. Il y a d’ailleurs de plus en plus de tournois challengers (ndlr : environ 200) sur l’année avec quatre ou cinq par semaine. Cela fait de la concurrence et actuellement, notre évolution nous satisfait. La dotation (ndlr : somme distribuée au vainqueur) a d’ailleurs plus que doublé, passant de 50,000 à 130,000$ entre sa création et aujourd’hui.
Dévoilez-nous le casting de cette nouvelle édition, qui s’annonce une nouvelle fois alléchante…
On a deux joueurs du top 100 mondial avec Quentin Halys (79e), tenant du titre et tête de série N°1 (ndlr: ce dernier s’est finalement qualifié à Miami et ne sera donc pas présent) ainsi que l’Australien Max Purcell (99e). Ce dernier joue très bien en ce moment et a remporté trois tournois consécutifs cette saison. C’est aussi un excellent joueur en double, en témoigne sa victoire à Wimbledon l’an dernier et sa place en finale à l’Open d’Australie.

Il y a d’autres Français, comme Pierre-Hugues Hubert, quintuple vainqueur en Grand Chelem ou encore Hugo Grenier (146e). Le très spectaculaire Jamaïcain Dustin Brown sera aussi de la partie.
Plus globalement, on a plus d’étrangers que de Français, par rapport aux éditions précédentes. On pourra découvrir de nouveaux visages, qui seront peut-être les futurs stars du tennis mondial de demain. La concurrence s’annonce féroce et les matchs seront âpres.
Benoît Paire sera là, lui qui est toujours très attendu dès lors qu’il est annoncé sur un tournoi. Il a d’ailleurs évolué chez nous en 2016 où il était engagé dans les interclubs par équipe. Ce seront des retrouvailles, particulièrement attendues avec le public nordiste.
On imagine que sa venue est aussi l’occasion de mettre un sacré coup de projecteur sur le tournoi. Ne craignez-vous pas ses dérapages ?
Même si ce n’est pas le mieux classé, c’est sans doute le plus connu. On sait qu’il est très suivi sur les réseaux sociaux, qu’il a une certaine personnalité. La plupart des réactions sur le tableau en témoigne. C’est donc intéressant pour nous car on sait qu’il peut attirer du monde.
On le connaît, il est passé chez nous. C’est quelqu’un de charmant et adorable en dehors du court. Il avait complètement joué le jeu à l’époque avec les ramasseurs de balles et n’avait pas posé de difficultés particulières.
Mais comment les joueurs atterrissent-ils au Play In ?
Ils s’inscrivent, en ligne, sur une plateforme. Les mieux classés sont pris. Pour être plus précis, trois semaines avant le tournoi, l’ATP arrête la liste et sélectionne les meilleurs qui intégreront directement le tableau final. Les autres passeront par les qualifications dont six d’entre eux sortiront et intégreront le tableau. Trois invitations sont distribuées et on totalise trente-deux joueurs à l’arrivée.
En termes d’inscrits, la liste est figée mais on n’est jamais à l’abri de blessures. Les joueurs ont jusqu’à deux jours max pour se retirer. Cela peut évoluer. Il y a une certaine souplesse accordée par l’ATP qui fait que les éliminés prématurés de Miami peuvent toujours venir chez nous. On peut donc toujours espérer une surprise… Mais notre souhait premier reste d’avoir le plateau annoncé et éviter les mauvaises surprises. Cette année, John Millman devait être présent mais a déclaré forfait. Il avait atteint la trente-troisième place mondiale en 2018…
Êtes-vous surpris par les inscrits ?
On est à cheval entre la saison d’indoor et de terre battue donc on sait que l’on n’aura pas les adeptes de la terre, qui privilégient les tournois avec ce type de surface. On aurait aimé par exemple avoir Arthur Fils, un 2004 très prometteur, qu’on avait eu l’an dernier mais il a privilégié la terre. C’est aussi le cas de Lucas Pouille, qui a fait le même choix. On le respecte.
Niveau organisation, vous êtes l’un des seuls tournois tricolores à être géré par un club et ses bénévoles, comment préparer un tel événement ?
C’est le Tennis Club Lillois (TCL), une association, qui organise ce tournoi professionnel. C’est particulièrement rare en France et dans le monde. Même si on a des salariés au club, beaucoup de bénévoles sont mobilisés pour mettre en place un dispositif qui vise à répondre au cahier des charges fixé par l’ATP. Cela prend du temps, on y passe quasiment un an à trouver des partenaires et prestataires ainsi que tous les autres intervenants. C’est pour cela qu’on a hâte d’y être.
Vous parlez de partenaires, j’imagine qu’ils sont pour la plupart financiers…
Effectivement. L’un de nos premiers objectifs est d’établir le budget du tournoi. On réunit les financements nécessaires et on a la chance d’être aidé par nos partenaires institutionnels historiques comme la Métropole Européenne de Lille (MEL) ou encore la Fédérations Française de Tennis (FFT). On a aussi des partenaires privés, qui sont de plus en plus nombreux à nous rejoindre, ce qui montre que le tournoi jouit d’une belle attractivité.
Les infrastructures d’une association suffisent donc pour un tournoi qui monte en gamme d’année en année…
Tant que l’on reste au niveau challenger, on disposera d’infrastructures adéquates et suffisantes pour ce type de tournoi. Il y a quelques années, grâce à la mairie, on a eu des travaux d’extension et de rénovation du club. Ce dernier est magnifique aujourd’hui et on peut concentrer la compétition sur un seul site uniquement (ndlr : le TCL) et pas plusieurs. C’est un vrai point fort et un avantage grandement apprécié par les joueurs qui peuvent ainsi s’entraîner, jouer et se restaurer au même endroit. En termes d’organisation, c’est forcément plus simple à gérer.

Néanmoins, si l’on veut se projeter et se dire qu’un jour, on envisage de faire un ATP 250 voire au-dessus, ce sera problématique. Outre le fait de devoir acheter une date, ce qui est financièrement élevé, il faudra trouver les infrastructures. Or, Lille ne dispose pas d’un palais omnisport qui permettrait d’organiser un tel tournoi, excepté la Decathlon Arena Pierre-Mauroy, surdimensionnée.
Est-ce dans un coin de votre tête que le Play In devient un ATP 250 ?
Pas spécialement. On me pose souvent la question. Forcément, ce serait génial mais cela peut être dangereux, financièrement notamment. Beaucoup de tournois sont en grande difficulté financière. Vous n’êtes jamais certain de faire venir les meilleurs joueurs, qui n’ont pas d’obligation à jouer chez vous. Et si vous souhaitez les convaincre, il faut leur verser une garantie, c’est-à-dire une participation financière pouvant s’élever à plusieurs milliers d’euros. Le tout en plus des coûts d’organisation.
Un Masters 1000 serait bien plus intéressant : la présence des meilleurs joueurs est obligatoire, il y a plus de droits télés et de billetterie. Financièrement, même si c’est plus cher, c’est plus fiable. Si on veut aller au-dessus, il faut carrément aller au-dessus. Il faudra une volonté politique forte, l’équipement appartenant à la MEL, des forces économiques plus importantes, si l’on souhaite réaliser un événement sportif rassembleur et fédérateur. Pourquoi pas… d’autant que l’on a vu avec la Coupe Davis, un vrai engouement du public nordiste.