Déjà qualifiée pour la prochaine Coupe du Monde (25 août – 10 septembre 2023), l’Équipe de France de basket se rassemble ce lundi avant d’entamer jeudi prochain sa dernière fenêtre de qualifications pour la grande échéance asiatique (Indonésie, Japon, Philippines). Un déplacement en République Tchèque (18h45) puis une réception de la Lituanie à l’Arena Loire de Trélazé le 26 février (18h00) attendent les Bleus de Vincent Collet. Avant de s’envoler vers Pardubice, l’ex entraîneur du Poitiers Basket 86 se projette avec nous sur la double confrontation qui attend Victor Wembanyama & cie.
Ruddy, dans quel état d’esprit êtes-vous à trois jours de retrouver le groupe France ?
On est dans un état d’esprit où on souhaite consolider la première place acquise lors de la dernière fenêtre de qualifications (en novembre dernier, après deux victoires en Lituanie et contre la Bosnie-Herzégovine, ndlr). On a envie de continuer à engranger de l’expérience pour cet effectif qui est jeune. On est sûrs d’être qualifiés mais il reste deux matchs, soit deux victoires supplémentaires à aller chercher. On est dans l’état d’esprit de la Team France, c’est-à-dire essayer d’engranger le plus d’expériences positives possible et des victoires qui en amèneront d’autres.
Quel programme attend le groupe d’ici la première rencontre à Pardubice jeudi ?
On se réunit lundi midi, à Nanterre [l’interview a été réalisée le vendredi 17 février, ndlr]. On a prévu trois entraînements en deux jours, lundi et mardi. On partira mercredi en République Tchèque, avant de revenir à Trélazé pour préparer le match contre la Lituanie. C’est un programme dense, assez court. L’objectif pour nous sera de simplifier le plus possible les contenus en défense et en attaque pour être opérationnels rapidement.
En parlant de contenu, justement, quel sera-t-il pour les trois premières séances d’entraînement ?
On va faire un peu de récupération au départ. On a pas mal de joueurs qui jouent beaucoup, entre la Leaders Cup pour les « Français », la Copa del Rey pour ceux qui jouent en Espagne. On va être sur du travail technico tactique, du travail qu’on appelle « en piéton ». Sur les trois séances, on en fera une seule avec une vraie grosse intensité. Pour le reste ce sera du travail vidéo, du travail de « découpage » sur certains aspects du jeu. Le tout sera de permettre aux joueurs de bien récupérer et de les mettre dans les meilleures conditions possibles pour le match de jeudi.
« Construire autour de la culture basket française »
On imagine que ce n’est jamais simple de reformer un groupe en deux jours et pour une période aussi courte (deux matchs en une semaine). D’autant plus quand la fenêtre se situe dans une période charnière de la saison, avec des joueurs qui arrivent chacun dans des dynamiques différentes dans leurs clubs.
En fait c’est assez simple parce qu’on parle de l’Équipe de France et que les joueurs sont automatiquement motivés. La difficulté c’est qu’on a en réalité deux équipes dans l’Équipe de France de basket. Il y l’équipe « des fenêtres », celle qui disputent les qualifications comme celle-ci. Et l’été, sur les grandes compétitions, on a la possibilité d’avoir avec nous les joueurs qui évoluent en NBA et en Euroligue. Mais cette équipe c’est aussi un vrai travail qui est fait depuis des années sur les équipes de France Jeunes et dans les centres de formation. Les joueurs ont une culture basket française, basée sur une grosse intensité défensive, beaucoup de courses. Ça nous permet de construire autour de ça.
Ces deux adversaires qui se profilent, ce sont des adversaires que vous avez l’habitude de rencontrer. Plus simple ou plus compliqué à aborder ?
Ce n’est pas simple. On ne sait jamais qui sera aligné en face, comme nous en fait. Des joueurs viennent, repartent selon les rassemblements internationaux. Maintenant, on connaît la culture, l’esprit et le mode de jeu de ces équipes-là. Mais il faut s’adapter rapidement et c’est pour ça que l’on simplifie les choses avec les joueurs. On a peu de temps donc on essaye d’aller à l’essentiel. Mais c’est aussi un vrai challenge de matcher ces équipes-là et d’essayer de trouver, en tant que staff, les solutions pour pouvoir gagner ces matchs.
On l’a compris, l’objectif principal de cette fenêtre est de conserver la première place. Y en a-t-il d’autres ?
Il y a aussi cette volonté de donner de l’expérience à des jeunes joueurs. Je pense à Victor Wembanyama, Yoan Makoundou, Malcolm Cazalon ou encore Bodian Massa. Aujourd’hui on ne sait pas avec qui on partira dans les douze en République Tchèque [deux joueurs sur les quatorze seront écartés du groupe pour la rencontre et reviendront pour préparer le match contre la Lituanie, ndlr]. On verra comment cela va se passer mais il y aussi cet objectif là. Le premier objectif, c’est évidemment de gagner, surtout qu’on a aussi le ranking FIBA en tête. Le deuxième est de continuer de faire grandir les jeunes joueurs.
Avec quelle vision commune ? Sur quels axes de travail amener ces jeunes talents ?
On se base sur ce qu’on a l’habitude de faire. Amener des petites touches petit à petit, sur des formes de jeu en attaque, sur des options défensives, pour que les joueurs puissent adhérer au projet. Qu’ils s’appuient autour de ça pour être relâchés sur les matchs. Ça ne sert à rien de mettre trop de pression, ni de choses trop compliquées en place. Les joueurs ont besoin de se sentir à l’aise pour performer. Le but c’est de coconstruire avec eux quelque chose d’intéressant. On s’appuie aussi sur des joueurs qui ont un peu plus d’expériences comme Andrew Albicy, Paul Lacombe ou Nicolas Lang. Ce sont des joueurs qui sont souvent présents sur les fenêtres et qui sont pour nous des relais importants.
« Essayer de faire partager des choses positives »
C’est intéressant de noter que dans ce groupe de quatorze, et c’est en partie lié à l’absence des joueurs NBA et Euroligue, les cadres sont en minorité par rapport aux jeunes et aux nouveaux [seuls quatre joueurs présents dans la liste comptent plus de dix sélections : Andrew Albicy (88), Paul Lacombe (34), Terry Tarpey (21) et Nicolas Lang (10), ndlr].
C’est une occasion pour eux de partager des expériences avec les jeunes. Eux ont bénéficié avant de la présence de cadres et c’est à eux de faire la passation de pouvoir aujourd’hui. Leur rôle est d’autant plus précieux pour nous qu’ils sont en sous-nombre. Qu’ils prennent le temps d’échanger, de participer à la mise en condition psychologique des plus inexpérimentés, pour leur permettre d’être présents le jour-J, à l’heure qu’il faut, c’est en ça qu’ils prennent une importance supplémentaire dans un groupe comme celui-là. La compétition sous cette forme de fenêtre est vraiment particulière. Il faut se mettre très rapidement dans le rythme, être focus, à l’écoute immédiatement. Il y a peu d’entraînement, donc peu d’opportunités de montrer que tu es dans le bon état d’esprit. Et surtout, il faut mettre de l’enthousiasme par rapport à ce qu’on peut rencontrer. Eux connaissent ce format. C’est vraiment important qu’ils soient là, c’est pour nous un bon relais sur et en dehors du terrain.
Trois joueurs comptent zéro sélection dans ce groupe : Malcolm Cazalon, Bodian Massa et Pierre Pelos. Ce sont trois joueurs qui ont déjà côtoyé le groupe France, sans honorer leur première sélection. Que peuvent-ils apporter à ce groupe France s’ils venaient à porter pour la première fois la tunique bleue ?
Leur fraîcheur, leur enthousiasme, déjà. Et puis leurs qualités individuelles. La dureté défensive d’un Bodian Massa, la capacité d’un joueur comme Malcolm Cazalon d’être présent sur le poste 2 et le poste 3 avec des qualités de créateur. Et puis un joueur comme Pierre Pelos, beaucoup plus expérimenté avec un vrai Q.I. basket. Je ne sais pas qui sera ou ne sera pas dans les douze [qui partiront en République Tchèque, ndlr] mais c’est sûr que ces joueurs progresseront en portant une ou deux fois le maillot de l’équipe de France dans ces fenêtres. En tout cas on va essayer de leur faire partager, soit en match ou par les entraînements, des choses positives.

A quel moment connaîtra-t-on la liste des douze partants ?
La veille du départ en République Tchèque [prévu mercredi 22 février, ndlr]. Les deux joueurs écartés reviendront au retour du groupe en France pour la rencontre de dimanche à Trélazé.
Sans donner de noms, avez-vous déjà une idée de la répartition du temps de jeu entre les joueurs et sur les deux matchs ?
Non, on le saura quand les joueurs arriveront au rassemblement. On a une idée mais ce sont vraiment les contours partiels. On attend de voir l’état de forme des joueurs avant d’entériner des choix. On n’est pas à l’abri d’une blessure ou d’une méforme d’ici-là.
« Aller au bout du projet des fenêtres »
Cette fenêtre sera la dernière avant la Coupe du Monde, qui arrivera vite, en août prochain. La qualification obtenue lors de la précédente permet-elle de se projeter dès maintenant sur la grande échéance, ou l’absence des joueurs majeurs qui vont jouer en août est trop impactante pour cela ?
Il faut d’abord profiter des fenêtres et se focaliser dessus en priorité. Même si on a des contours là aussi, août est encore loin et on n’a pas encore de garanties suffisantes, sur pleins d’aspects. On va se concentrer sur les deux matchs qui arrivent, bien finir les qualifications. On a un dernier match en France, à Angers, à négocier. On veut partager des bons moments avec notre public pour terminer l’aventure et ensuite on pourra se projeter. C’est important d’aller au bout du projet des fenêtres et de le faire correctement. Après on verra.
A titre personnel, y a-t-il une excitation particulière avant les rassemblements de l’Équipe de France, notamment depuis que vous êtes exclusivement occupé par l’Équipe de France1.
Oui, c’est très important pour moi. J’ai un nouveau rôle désormais. Je suis le seul parmi les 4 entraîneurs du staff de l’équipe de France à ne pas avoir d’occupation en club. Je peux aider Pascal (Donnadieu) qui est à Nanterre, Laurent (Foirest) qui lui est à Quimper et surtout Vincent (Collet), qui est bien occupé à Paris [il est l’entraîneur principal des Mets de Boulogne Levallois, ndlr]. Ça me permet de leur apporter une certaine fraîcheur durant ces fenêtres, une autre vision des choses. Ils sont jusqu’au rassemblement très focus sur leur club et c’est normal. Ça me permet d’être actif en amont et de leur apporter pas mal d’éléments sur des périodes comme celle-là.

C’est plutôt intéressant d’avoir une personne consacrée exclusivement ou presque à l’Équipe de France.
C’est sûr que c’est une vision différente. C’est une mission différente aussi. Ça me permet de me focaliser davantage sur la détection et la formation de jeunes joueurs. Mais aussi d’avoir un suivi. Prendre le temps d’appeler les joueurs, d’échanger régulièrement avec eux pour savoir comment ils vont physiquement et psychologiquement, connaître leur état d’esprit du moment… Tout ça est intéressant et permet d’avoir, encore une fois, une autre vision que celle d’entraîneur régulier. Je peux aussi suivre beaucoup de matchs durant l’année. Je profite du temps qui m’est donné pour mettre mes compétences au service du staff de l’Équipe de France.
C’est un rôle plaisant ?
Oui. Aller en Équipe de France a toujours été un plaisir pour moi. Apporter quelque chose, défendre les valeurs de la Team France, représenter le pays et mon île, la Guadeloupe, ce sont des choses très importantes. Ça passe avant tout.
1 Ancien entraîneur principal de Cholet Basket et du Poitiers Basket 86, Ruddy Nelhomme travaille depuis 2020 pour la Fédération Française de Basketball. Il est notamment chargé de la supervision des joueurs des équipes de France et de la formation des jeunes joueurs.