Ce samedi 28 janvier marquait le retour de Perche en Or pour sa troisième édition, cette fois-ci dans le Vélodrome de Roubaix. Au terme d’un concours mouvementé, la doyenne Tina Sutej s’impose pour cette deuxième étape du Perche Elite Tour 2023.
Malgré l’absence de la tenante du titre 2022, la Biélorusse Iryna Zhuk, d’autres perchistes de classe mondiale étaient présentes. Parmi elles, la Championne d’Europe indoor 2021 Angelica Moser, la Championne d’Europe en titre Wilma Murto, ou encore la Wonder Woman Tina Sutej qui avec une énorme plaie lui valant 9 points de suture après la compétition, avait réussi à accrocher la 3e place des Championnats d’Europe de Munich. Côté Françaises, les meilleures sont là : la recordwoman de France avec 4m75 Ninon Chapelle, ainsi que le podium des derniers Championnats de France Elite avec Margot Chevrier et son record personnel à 4m70, Marie-Julie Bonnin, et Elina Giallurachis.
Un concours de haut vol
Parmi les 15 concurrentes présentes à Roubaix, 13 ont déjà passé une barre au-dessus des 4m50 et 9 d’entre elles ont franchi le cap des 4m60. De quoi promettre du beau spectacle et légitimement espérer des sauts au-dessus des 4m70 pour l’emporter. La compétition commence dans une ambiance présente, mais irrégulière avec à peine la moitié des tribunes occupées. Les musiques choisies par les athlètes tendent à raviver le public, comme la classique « Je t’emmène au vent » de Ninon Chapelle. Après une première barre à 4m15 que toutes les concurrentes engagées à cette hauteur ont passé, l’Ukrainienne Yana Hladiychuk bute à 4m30. 4m45 fait office de barre d’écrémage : 14 perchistes l’affrontent, 9 s’y cassent les dents. Parmi les Françaises, seule Marie-Julie Bonnin parvient à se hisser à la barre supérieure en battant son record personnel en salle. Toujours aussi souriante, elle transmet son émotion au public en tombant à la renverse sur le tapis. En revanche, c’en est fini pour la locale de l’étape Alix Dehaynain, pour Ninon Chapelle, Margot Chevrier ou encore la Suissesse Angelica Moser.

Dans un concours qui tarde à s’emballer, les premiers frissons, ou plutôt frayeurs, nous viennent de Sophie Cook. Lors de son premier essai à 4m45, la Britannique brise sa perche et manque de mordre le tartan en retombant. Un temps assise par terre devant son coach, la perchiste ne continue finalement pas le concours.
Six concurrentes se disputent désormais la première place à 4m55. Marie-Julie Bonnin et Chunge Niu, qui viennent toutes deux de battre leur record personnel, échouent, tout comme Alysha Newman. La surprise nous vient du côté de la Finlande avec Elina Lampela qui fait trembler la barre, mais ça passe. En battant son record personnel, elle s’installe en tête du concours avec Tina Sutej. Le podium est dessiné avec Wilma Murto qui franchit la barre au 2e essai. A 4m65, Tina Sutej assomme la concurrence en passant au 1er essai. Mais Murto n’a pas dit son dernier mot et prolonge le plaisir en franchissant 4m65 à son dernier essai. Lampela, elle, prend définitivement la 3e place.

S’ensuit alors un duel entre la Championne d’Europe et la 4e des Championnats du monde. Les deux femmes franchissent 4m70 au troisième essai et ne parviennent pas à aller plus loin. Finalement, au jeu du nombre de sauts tentés, la Slovène Tina Sutej s’impose et rejoint Ernest Obiena vainqueur chez les hommes. Cette dernière est satisfaite de sa compétition pour un début de saison :
« J’ai fait de bons sauts aujourd’hui, même si je n’ai pas réussi à utiliser mes perches comme je le voulais. »
La Slovène cherche maintenant des repères pour le reste de la saison « Je veux sauter plus haut que mon record personnel qui est de 4m80. Bien sûr, je veux également l’or aux Championnats d’Europe, mais comme beaucoup d’autres. Je vais m’entrainer et essayer d’arriver dans la meilleure forme possible ».
Marie-Julie Bonnin en constante progression
Pour la Française Marie-Julie Bonnin, 4e ce soir, la qualification aux Championnats d’Europe à Istanbul en mars constitue un enjeu majeur. En constante progression depuis un an, il lui faut encore gagner 15 cm sur son record personnel pour espérer atteindre les minima (4m70) et être directement qualifiée. En franchissant 4m45 aujourd’hui, MJ Bonnin est satisfaite, elle qui ne peut pas s’entraîner sur de grands élans et de grosses perches à cause de sa cheville. Elle voit dans cette performance, des encouragements : « Là, ça fait du bien, je commence à ressentir de bonnes choses en course, après j’ai aucune sensation en l’air, donc j’ai plein de trucs à régler, mais ça me fait plaisir parce que je me dis que j’ai un peu de marge en sautant à 4m45 sans rien sentir ».
« Ça me fait plaisir parce que je me dis que j’ai un peu de marge en sautant à 4m45 sans rien sentir »
En manque de sensations donc, la Française peut compter sur d’autres facteurs pour booster sa performance. Le public d’abord joue un rôle clé. Si l’on peut regretter à Roubaix des tribunes non-VIP séparées par la piste de cyclisme, Marie-Julie Bonnin relativise : « On sent un peu moins l’effervescence mais globalement on sent que les gens sont là, ça aide beaucoup, je sais que j’en ai besoin ». Pour se motiver, la perchiste peut également compter sur sa playlist. Les athlètes choisissent dans le cadre du Perche Elite Tour une musique qu’il souhaite entendre retentir lors de leur passage. Pour la Française, le choix n’est pas toujours facile : « Là, aujourd’hui, ma musique m’a motivé, mais je sais pas si je la garde ! Depuis septembre je me pose la question, je suis tous les jours à faire des sondages dans ma story privée. » (rire).

Le choix de la musique peut paraître superficiel, mais elle aide pourtant les athlètes à caler leur foulée, à éviter de s’emballer en début de course ou encore à faire le vide mentalement. Si Margot Chevrier rigole au discours de sa compatriote, elle corrobore finalement ses propos. Les deux jeunes femmes sont inséparables en compétition jusqu’aux interviews. Cette amitié au sein de l’équipe de France permet de mieux performer, de moins stresser : « L’ambiance en équipe de France est incroyable, quand on vient sur un meeting comme ça, je sais que je suis dans la chambre avec Margot (Chevrier), ça fait du bien ». Les valeurs de l’athlétisme sont représentées, les deux femmes s’entraident pendant le concours : « Ça nous tire, on a besoin de cette énergie ».
« Le sport c’est la paix »
Pour d’autres, la compétition envoie un message encore plus important que celui de l’entraide. Après sa performance mitigée, l’Ukrainienne Yana Hladiychuk nous confie : « C’est vraiment difficile de s’entrainer, c’était peut-être la pire année de ma vie ». La perchiste a perdu il y a quelques jours, un de ses meilleurs amis, un décathlonien tué en défendant l’Ukraine.
Désormais, la performance passe au second plan : « Je ne sais pas quoi faire dans ce type de situations, je ne sais pas comment être une athlète professionnelle dans ces conditions ». Comme beaucoup d’athlètes ukrainiens, sa famille est restée en Ukraine sous la menace de l’occupation russe et des nombreux bombardements : « Ils risquent leur vie pour défendre la liberté. Je ne sais pas comment les aider ».
« Je ne sais pas comment être une athlète professionnelle dans ces conditions »
Yana Hladiychuk essaye donc de continuer à s’entraîner, à concourir, à essayer de donner du sens à son métier : « Je veux concourir pour mon pays, je veux protéger mon pays dans ce sport. Le sport ce n’est pas la guerre, c’est juste une compétition. Le sport c’est la paix ». Ainsi, pour elle, ses performances importent en réalité peu. L’ambition est de continuer à représenter son pays en concourant, de montrer que malgré les invasions, l’Ukraine reste debout. L’athlétisme est pour Yana Hladiychuk un biais pour transmettre un message de paix, de soutien et de courage : « J’espère que la guerre va prendre fin. Je veux dire merci pour le soutien de toutes les personnes dans le monde entier. On a besoin de ce soutien car, ensemble, nous pouvons être fort pour protéger nos vies ».