Clap de fin pour cette année 2022 sur le circuit féminin. Oubliez donc Swiatek ou Jabeur, LA joueuse de cette fin de saison, c’est l’irréductible Caroline Garcia. Après les doutes, les « bad » et les straps, l’heure de gloire est arrivée. Pour Caro, c’est déjà Noël. Mais le cadeau, c’est aussi à nous, fans français, qu’elle l’a fait. Retour sur une saison en montagnes russes, conclue au sommet des rails.
Comme un bon vin qui vieillit au fil des années, Caroline Garcia ne perd pas de sa saveur. Déjà dans le carré magique du classement WTA en 2018, la Lyonnaise réitère en cette fin 2022 (4e). Une véritable remontada qui avait démarrée en mai, lorsque Caro pointait en 79e position. Qui, à l’aube du dernier été, aurait parié sur sa victoire aux Masters ? Pas grand monde, honnêtement.
Où est Caro ?
Improbable, c’est le mot qui résume son année 2022. La première partie de la saison semblait avoir en effet donné le ton et annonçait (encore) une année compliquée pour la Française. Comme disparue des radars du très haut niveau, Garcia était l’image de Charlie, fondue dans la masse du classement mondial.
Déjà sur une pente descendante depuis 2018, la native de Saint-Germain-en-Laye nous a semblée perdue pendant de longs mois, voire des années. Seules petites éclaircies au palmarès, son titre sur le gazon de Nottingham en juin 2019, la victoire en Fed Cup la même année (où elle n’avait pas brillé en individuel), et son huitième de finale à Roland Garros 2020. Moins glorieux, il y a eu beaucoup de déceptions en Grand Chelems. 2019 et 2021 en particulier : en cumulant les 4 majeurs + les JO, son meilleur résultat est un 3ème tour à l’Open d’Australie en 2019. Même pour la défense de ses titres à Wuhan et Pékin, obtenus un an plus tôt lors d’une tournée chinoise extraordinaire, Garcia n’assure pas. Il y avait donc peu de bon à retenir depuis son court passage dans le top 4 (il aura duré 15 jours) et son titre à Tianjin fin 2018. Elle avait d’ailleurs terminé l’année à la 19e place.
En plus de ces contre-performances sportives, des déconvenues physiques en ont rajouté une couche. Déjà blessée au pied fin 2020, la gêne est revenue cette année, au mois de mars lors du tournoi de Miami. Une pause de près de deux mois a éloigné Caro des terrains, après un début de saison 2022 toujours pas convaincant. Quelques bons matchs certes, mais pas de quoi s’emballer : défaite au 1er tour de l’OA, battue par Raducanu au 2ème tour d’Indian Wells puis abandon à Miami. Bref, l’été ne s’annonçait pas particulièrement ensoleillé…
Roland Garros : le point de départ
Ne jamais parler trop vite ! Battue par Madison Keys au 2ème tour du Grand Chelem français, la native des Yvelines se concentre à fond sur son double avec sa partenaire historique, Kristina Mladenovic. Après des années de tensions, les copines réconciliées passent les tours et terminent leur campagne parisienne en battant la paire américaine Gauff/Pegula. Après leur sacre sur cette même terre en 2016, Kiki et Caro s’offrent à nouveau le Graal, symbole de renaissance pour la joueuse de Villeurbanne.
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«On est toutes les deux un peu sur un processus de retour, elle a aussi eu des pépins physiques. On n’a pas vraiment de très gros objectifs, si ce n’est de continuer à construire pour retrouver tout simplement le bon tennis »
Mladenovic avait vu juste lorsqu’elle avait prononcé ces mots en conférence de presse au début du tournoi. Car cette alchimie entre elles n’a jamais vraiment disparue. « Au fur et à mesure, on a vraiment senti que les automatismes revenaient, déjà en individuel et après en tant qu’équipe. Bien sûr, c’est beaucoup d’énergie positive pour les prochaines semaines, en simple et en double. » (Caroline Garcia pour France Info). Son tennis en perdition comme retrouvé, sa crise de confiance arrangée, le public français était désormais prêt à « fly with Caro ».
Une tornade tout terrain
Après deux huitièmes de finale à Nottingham et Birmingham pour s’accoutumer au gazon anglais, c’est sur la pelouse allemande d’Homburg (WTA 250) que Caro signe son retour en individuel en s’adjugeant le titre face à Andreescu. De bon augure en vue de Wimbledon, tournoi sur lequel elle pioche depuis 5 ans ! Garcia atteint alors les 8èmes du tournoi londonien, une première depuis 2017. Sur une bonne lancée, elle s’offre ensuite l’Open de Pologne, en battant au passage la star locale Iga Swiatek en quarts. Gazon, terre battue,manque plus que le dur.Et ça tombe bien, Cincinnati arrive vite. A la mi-aout, Caro réalise alors un parcours exceptionnel sur le sol américain en battant entre autres Sakkari, Pegula, Sabalenka et Kvitova en finale. Elle devient alors la première joueuse à remporter un WTA 1000 en étant issue des qualifications, et son premier depuis le doublé Wuhan/Pékin.
La tournée américaine continue, cette fois à Flushing Meadows. Et Caro fait tourner des têtes. Celles de Coco Gauff, d’Alison Riske et Bianca Andreescu par exemple. Autrice d’un niveau de jeu époustouflant, elle se hisse jusqu’en demi-finale, où elle retrouve l’étincelante Ons Jabeur. Malheureusement, le rêve a basculé au cauchemar. Un trop plein de nervosité qui a fait déjouer la Française du premier au dernier point. La Tunisienne a évidemment profité du naufrage de son adversaire pour enfoncer le clou, sans forcer son talent. Une immense désillusion, à l’image des attentes soulevées par Garcia au moment de débuter sa première demi en Grand Chelem.
L’amertume de cette nuit d’horreur passée, un ultime rayon d’espoir arrive à point nommé. In extrémis, Caro se qualifie pour les Masters, synonyme d’une dernière occasion pour briller. Déjà de la partie en 2017, elle arrivait à Fort Worth avec l’objectif de faire aussi bien qu’il y a 5 ans, une demi finale perdue face à Venus Williams.
Masterclass au Texas
Pas arrivée dans les meilleures conditions, après le départ soudain de son coach Bertrand Perret avec qui la progression était pourtant flagrante, Caro manquait de préparation. Victime de son succès estival, elle ne comptait qu’une victoire en trois tournois disputés entre l’US Open et son arrivée au pays du Rodéo.
Pourtant, pour Halloween, c’est bien Caroline Garcia qui a effrayé ses concurrentes. Pas même besoin de se déguiser. Sa raquette et son bandeau noir lui ont suffit. Très souriante en dehors des courts, son visage s’est comme transformé le temps de quelques matchs, laissant seulement paraître sérénité et détermination. Rien d’autre. Enfin si, des larmes et un large sourire sont apparus ce lundi 7 novembre vers 22h (heure locale). Caro vient de battre Sabalenka (7-6 6-4) et remporte les Masters. Preuve de persévérance, Garcia a mérité sa place et s’est battue face aux meilleures joueuses du monde avec toujours plus de classe et de cœur. La sèche défaite presque anecdotique contre Swiatek lors de la phase de groupes n’enlèvera donc rien au magnifique succès de la Française. C’est donc ça le rêve américain.
Cette victoire, la plus belle de sa carrière, est assurément le résultat d’une éclosion nouvelle. « Aujourd’hui, c’est une joueuse qui est à sa place, extrêmement concentrée, disait Justine Hénin au Monde. Cela se voit, elle est confiante d’être là, alors que, ces dernières années, on la sentait perdue sur le terrain. Ce retour au sommet, ça part surtout d’un épanouissement et de cette confiance – retrouvée ou bien enfin acquise. » Difficile de dire mieux. Les chiffres parlent d’ailleurs d’eux-mêmes. Depuis la mi-juin, Garcia cumule 56 victoires (dont 8 face au top 10) pour 9 défaites, 4 titres (donc un WTA 1000 et les Masters) et une demi-finale en GC. En prime, elle est aussi la reine des serveuses (394 aces sur l’ensemble de la saison). Pour faire simple, elle est celle qui a gagné le plus de points sur la 2ème partie de la saison (3983), devant Swiatek (3795).
Caroline Garcia succède donc à Amélie Mauresmo, dernière française à avoir remporté les WTA Finals Masters, en 2005. La prochaine étape : remporter un Grand Chelem !
« Ça a toujours été un objectif de gagner un Grand Chelem, mais disons que c’est plus concret maintenant »
Et sans mettre la pression à la nouvelle 4ème joueuse mondiale, Mauresmo n’a pas oublié de lui rappeler qu’elle avait gagné l’Open d’Australie en 2006, juste après son sacre aux Masters. Alors Caro, tu sais ce qu’il te reste à faire.