Mardi dernier, l’Arabie Saoudite a été désignée pour accueillir les Jeux d’Asie d’hiver 2029. Entre polémiques, aberrations climatiques, humaines et sportives, le pays hôte jubile, alors que la principale ville d’accueil, Neom, n’est pas encore érigée. La presse, notamment sportive, a beaucoup réagi. Au tour maintenant des Olympistes de décrypter la situation.
Des Jeux d’hiver dans le désert
Comment faire slalomer des skieurs et patiner des hockeyeurs dans le désert saoudien ? Le projet fou du pays est de construire Neom, une ville au bord de la mer rouge, et en contre-bas des montagnes qui y plongent. Le coût de cette ville futuriste est estimé à 500 milliards d’euros. Le projet se veut écoresponsable, autonome en énergie… en un mot : moderne. Mais il va de soi que des dépenses énergétiques probablement inégalées jusqu’alors seront engendrées. Cette ville « zéro carbone », dans un pays à l’économie basée sur l’exploitation du pétrole, est aussi quelque peu paradoxale.

La construction a à peine débuté et les Jeux doivent s’y dérouler dans 7 ans. Il faut alors peut-être s’attendre à un évènement organisé au milieu des travaux, sans spectateurs ni village sportif décent. La construction de Neom implique la construction d’un mur de 500 mètres de haut ; une véritable cicatrice dans un paysage idyllique. Aujourd’hui, on peut voir les montagnes se jeter directement dans la mer rouge. En 2029, ces paysages seront sûrement gâchés.
Faut-il s’habituer à des aberrations écologiques ?
On comprend que les différents comités sportifs internationaux n’ont tiré aucune conclusion de la prochaine Coupe du monde de football au Qatar. Il faudra certainement s’habituer à ce type d’aberration écologique si l’on tient à suivre le sport à l’échelle internationale. Les multiples boycotts, les réactions des populations ou encore de la presse ne semblent pas avoir atteint les hautes sphères décisionnelles.
Si le sommet des montagnes de la région de Trojena peuvent descendre à 0°C, ce n’est pas suffisant pour y installer des pistes de ski naturelles. Effectivement, il faut s’attendre à des pistes de skis totalement artificielles, entretenues par des canons à neige. Il y a pourtant de la neige en Asie. Le nord du Japon, le Nord-est de la Chine ou encore l’est de la Mongolie et même l’extrême Nord de l’Inde sont réputés pour offrir des pentes naturellement enneigées durant l’hiver.
Le sport s’éloigne de ses valeurs
En confiant une telle compétition à l’Arabie Saoudite le Conseil Olympique d’Asie éloigne un peu plus le sport de ses valeurs. Il ne faut en effet pas longtemps pour comprendre que derrière cette attribution se cachent des enjeux politiques et financiers. Quand le prince héritier Mohammed Ben Salmane pose des centaines de milliards sur la table, le Conseil Olympique d’Asie n’hésite pas longtemps. La compétition perd alors tout son sens. Car oui, les Jeux d’hiver sont avant tout l’exaltation de la montagne, et l’engouement des locaux à l’idée de recevoir sur leurs pistes les meilleurs athlètes. Pour ces Jeux, on doute que ces valeurs soient au rendez-vous.

Au-delà de son exploitation pétrolière, l’Arabie Saoudite est connue pour – entre autres – le non-respect des droits des femmes ; quand le sport devrait aujourd’hui tendre vers toujours plus de parité. Quel regard porterait le sport de 1968 et des poings levés du Black Power sur le podium des JO de Mexico ? Probablement un regard larmoyant. L’Arabie Saoudite est aussi le 166ème pays, sur 180, au classement de la liberté de la presse. Problématique pour un évènement des plus médiatisés. Même à l’étranger, les journalistes saoudiens sont surveillés. Et selon Reporters sans frontières, leur nombre derrière les barreaux a plus que triplé depuis 2017.
Le sport devient progressivement une arme du soft power, ici de l’Arabie Saoudite. Les compétitions internationales l’ont toujours été. Organiser des jeux relève du prestige, c’est certain. Mais dans le cas de l’Arabie Saoudite, cette compétition vise à cacher les actes dictatoriaux du pouvoir. Mais quel est alors l’intérêt d’organiser une telle compétition, de se lancer dans un projet aussi fou, si le monde entier le décrie.