2 sur 2 pour les Françaises qui entament parfaitement cette Golden League avec une victoire ce mercredi en quatre sets à Harnes face à la Bosnie-Herzégovine. Près de douze mois après un championnat d’Europe époustouflant, les protégées d’Emile Rousseaux semblent sur la bonne voie à deux ans des JO. Mais le sélectionneur national, avec son habituel franc-parler, est bien moins enthousiaste…
Tout pile une semaine après leur brillante victoire en ouverture face à l’Espagne, les volleyeuses tricolores enchaînaient par une seconde réception pour entamer cette Golden League. Une compétition regroupant 9 équipes, réparties en 3 groupes de 3. En ligne de mire, le final four des 18 et 19 juin en Ukraine. Avant cela, quatre matchs à disputer avec deux confrontations contre l’Espagne et deux contre la Bosnie. Ce mercredi à Harnes (Pas-de-Calais), les Françaises lorgnaient une deuxième victoire de rang. Et c’est passé sans encombre pour les coéquipières d’Amélie Rotar.
Un petit relâchement sans conséquence
Devant 1500 personnes ravies, les Bleues n’ont pas eu de peine à écarter de modestes bosniennes. « Elles ont énormément défendu, on s’attendait peut-être pas à ça. Dès qu’on a été patientes ça a fonctionné » estimait Héléna Cazaute. Très en forme hier soir, la capitaine a guidé son équipe vers un succès confortable. Tout de suite, les Bleues ont pris les commandes et n’ont jamais laissé leur adversaire dicter le rythme. Pour preuve, les bosniennes n’ont mené que l’espace de quelques points dans le troisième set, après deux premières manches brillamment remportées par les tricolores (25-17 et 25-20).

La troisième a donc été plus délicate pour les Bleues. « Sur la fin du deuxième set déjà les cartouches commençaient à être mouillées et c’était moins bon expliquait le sélectionneur Emile Rousseaux. Surtout en « situation maximum » c’est à dire après une réception parfaite, une bonne défense on ne parvenait pas à créer la transition de façon suffisamment performante« . C’est donc assez logiquement que la Bosnie réduisait l’écart (22-25), plus du fait d’un relâchement des Françaises que d’une accélération de l’adversaire. Même si, pour Rousseaux, « les Bosniennes ont eu des moments remarquables en défense au troisième set, c’est un peu ça aussi qui nous a fait douter« . Cazaute estimait de son côté que les « erreurs en réception » ont couté le set aux Françaises.
Après coup, pas grand monde dans le groupe France ne retenait ce léger accroc tant les filles d’Emile Rousseaux ont nettement retrouvé leur rythme des deux premières manches, pour boucler le quatrième set (25-19). Une deuxième victoire de suite, avec l’apport bienvenu de jeunes joueuses.
« Imaginez Deschamps qui ferait une équipe de France avec des réservistes… »
« Globalement je suis content d’avoir introduit mes joueuses réserves disait Rousseaux. Elles doivent comprendre qu’elles sont une plus-value pour l’équipe de France et que quand je les fait jouer ce n’est pas pour leur faire plaisir. Toutes les filles doivent se sentir concernées par notre aventure. Au Pays-Bas aussi sur le deuxième match, on se remet en selle avec des joueuses réservistes« . Une des satisfactions du soir, assurément, même si pour le sélectionneur belge de cette équipe de France, les progrès à faire sont encore colossaux pour le volley féminin en France.
« Il y a beaucoup de choses à faire pour que ces filles aient la reconnaissance qu’elles méritent » attaquait d’emblée le sélectionneur en conférence de presse qui s’est penché de façon assez inattendue et pendant une bonne dizaine de minutes sur les problèmes qui touchent le volley féminin dans l’Hexagone. « Quand je suis arrivé en équipe de France il y avait cinq joueuses sur dix-huit qui étaient titulaires dans leur club embrayait Rousseaux. Imaginez Deschamps qui ferait une équipe de France avec des réservistes … »

Arrivé en 2018 à la tête de la sélection, le Belge a désormais le recul pour juger les efforts faits depuis l’attribution des JO 2024 à la ville de Paris (en septembre 2017). « Je pensais que les JO en France seraient une énorme occasion pour remettre le secteur féminin sur les bons rails : donner plus de place aux joueuses françaises, avoir plus de joueuses françaises obligatoires dans les équipes du championnat« . Or il est vrai qu’en observant les effectifs de Ligue A cette saison, une très petite minorité de joueuses sont françaises. Comment dès lors faire progresser les jeunes tricolores à fort potentiel ? Un passage obligé à l’étranger, pour trouver de l’adversité. Les exemples sont là : Lucille Gicquel et Héléna Cazaute, exilées en Italie. « Pour moi, ça part déjà de la formation. Je pense que quand on a des jeunes joueuses talentueuses ou physiquement capables d’arriver au haut niveau, nous ne sommes pas encore aptes de former assez bien ces joueuses-là » nous disait Lucille Gicquel il y a un peu plus d’un an.
« Je sais qu’avec mon discours je dérange »
Son franc parler, assez rare pour un sélectionneur national, a pu jouer des tours à Emile Rousseaux même si il l’assure, « je ne veux critiquer personne, ni la Fédé ni les clubs, mais je constate. Moi je suis étranger mais je me demande parfois si la France ne m’intéresse pas davantage que les Français« . En Ligue A Féminine, la dernière finale a malheureusement été une vitrine de cette sous-représentation des françaises dans le championnat : aucune joueuse tricolore du Cannet, champion de France, n’a joué la moindre minute du match 3 de la finale.
« Aujourd’hui, on peut être champion de France en payant les amendes et en ne mettant aucune française sur le terrain » tacle Rousseaux. Alors on soumet au sélectionneur le projet France Avenir 2024, du nom de cette équipe qui regroupe des jeunes du Pôle France et qui joue d’office en Ligue A. Est-ce l’arbre qui cache la forêt ? « Absolument, on est dans une illusion. Mais bon, je sais qu’avec mon discours je dérange …« .

« Seulement 20 % des points marqués en Ligue A sont marqués par des joueuses françaises. Et si on retire France Avenir, c’est 12 %« . Le constat est sans appel mais la génération de joueuses qui fourni actuellement l’équipe de France est porteuse d’espoir. On l’a vu ce mercredi : les toutes jeunes Emilie Respaut (19 ans) et Leïa Ratahiry (19 ans) ont notamment montré leurs qualités lors de certaines séquences.
Au moment de conclure ce tour d’horizon du volley français, Emile Rousseaux l’assure : il est prêt à se réunir avec les parties prenantes de la situation pour trouver les solutions et à terme, poursuivre le développement du volley féminin français. « J’appelle de mes vœux depuis 4 ans de me mettre autour de la table avec des gens qui veulent faire autre chose que de me défoncer« . L’appel est lancé. Sera-t-il entendu ?
A Harnes, Thomas Palmier
Crédit photo : CEVolleyball