Après une première édition marquée par le Covid, le public était au rendez-vous pour applaudir quelques grands noms de la perche mondiale présents à Tourcoing ce samedi soir pour “Perche en or”. Parmi les favoris, Iryna Zhuk, finaliste des JO 2021, et Chris Nilsen, vice-champion olympique en titre, n’ont pas déçu, s’imposant respectivement avec 4m77 et 6m02. Retour sur un concours de haut vol.
Zhuk au sommet
C’était son jour, Iryna Zhuk n’était pas là pour faire figuration. Une fois le concours en poche avec une barre à 4m64 qu’elle est la seule à avoir passé, la Biélorusse tente 4m77. Une barre non seulement synonyme de record personnel, de meilleure performance mondiale de l’année mais aussi de record national. Après deux essais infructueux, la délivrance est arrivée avec un saut parfaitement maîtrisé lors de son troisième essai. Emue aux larmes, la jeune femme ne pouvait contenir sa joie soufflant au speaker “Of course I’m happy !”.

Côté Française, nous pouvions compter sur 6 engagées sur 11 participantes, de quoi espérer de belles performances. Et on peut dire que la jeunesse a parlé. Elise Russis, seule junior du concours, et Elina Giallurachis, seule espoir, ont toutes deux battu leur record personnel avec respectivement 4m24 et 4m44. Chez les séniors, la Française la plus attendue a quelque peu déçu, franchissant seulement 4m44, soit une barre bien inférieure à ses standards. Encouragée par des “Allez Alix” scandés dans les quatre coins de la salle, Alix Dehaynain, la perchiste du coin, s’est approchée de son record. Tout comme Albane Dordain qui prend date pour la suite. Et que dire de Margot Chevrier qui s’est adjugée la deuxième place du concours avec un record personnel à 4m54. Avec une barre à la même hauteur, la chinoise Huiqin Xu s’est vu attribuer la troisième place après un plus grand nombre de sauts, et donc d’échecs, sur ses barres précédentes.
Les Américains mettent la barre haute
Le concours masculin n’a pas débuté de la plus belle des manières pour nos Français. Alioune Sène et Mathieu Collet manquent leurs premiers essais à 5m39. Après avoir franchit 5m54, ce dernier sera le premier éliminé de ce concours. Son cadet, Thibaut, porte les couleurs de la famille 10 cm plus haut avant de s’incliner à son tour. Les espoirs français reposent désormais sur les frères Lavillenie, et le jeune E. Cormont. Valentin Lavillenie échoue lui aussi. Le doute s’installe. Les autres Européens réussissent leurs entrées. Aussi, les Américains C. Nilsen et M. Ludwig impressionnent en montrant une aisance certaine. Renaud Lavillenie, vainqueur de la précédente édition rassure en effaçant 5m74.

Les perchistes doivent à présent se surpasser pour franchir 5m81, effrayant. S’en est trop pour A. Sène et E. Cormont. Mais il en faut plus pour impressionner les deux Américains qui passent cette barre avec brio. Bien décidé à ne pas les laisser s’imposer si facilement, Renaud les rejoint. Nilsen est le seul à franchir 5m92, laissant la deuxième place au français et la troisième à son compatriote. La victoire assurée, il tente 6m02. Pour ne rien changer, il passe. Le record du meeting est égalé, celui des USA en salle est battu : la foule est en délire. Fatigué, préférant éviter la blessure et un éventuel échec, l’Américain arrête sa folle soirée en intégrant le prestigieux « 6 meters club ». Au micro des Olympistes il déclare avoir battu son idole ; Renaud.
Il fait à présent partie de ce cercle très fermé des perchistes au-delà des 6 mètres. Mais ce n’est pas suffisant, loin de là. Il nous explique avec détermination qu’il veut à présent faire partie des meilleurs de ce cercle en continuant à s’élever.
La perche, une histoire de famille ?
A un niveau tel que celui proposé ce samedi soir à Tourcoing, il est rare que deux frères soient présents dans le même concours. Et pourtant, ce n’est pas une mais deux fratries que la salle Léo Lagrange accueillait. En effet, les frères Lavillenie et Collet se sont livrés une bataille féroce. La perche est-elle alors une affaire de famille ? On pense à Ninon Chapelle, mariée à Axel Chapelle, absent ce soir-là, ainsi qu’au père des frères Collet, ancien perchiste détenteur d’un record à 5m94.
Le saut à la perche est un sport exigeant requérant d’allier force et technique ; si bien que la discipline devient des plus élitistes. Mais ce n’est pas tout. C’est aussi une pratique nécessitant beaucoup de matériel : des perches à près de 800 euros et des matelas en coûtant plusieurs milliers. Tous les clubs ne peuvent pas se les offrir. Les sportifs des mêmes familles sont alors propulsés vers le plus haut niveau lorsqu’ils disposent des bonnes qualités physiques et du matériel.
Matthieu Collet nous explique que des perchistes se greffent à des familles telle que la sienne ou à celle des d’Encausse. Philippe (54 ans), entraîneur historique de Renaud Lavillenie notamment, 8e de la finale des JO à Séoul en 1988 et fils d’Hervé D’Encausse, un temps détenteur du record d’Europe de la discipline.
Des filiations et des pôles d’entraînement se créent ensuite. On ajoute que seuls les plus fous d’entre nous se risqueraient à 5 mètres du sol, suspendus au bout d’un tige en fibre de verre ou de carbone, la tête en bas. Le saut à la perche a donc besoin d’événements comme celui-ci pour se démocratiser. Le sourire des athlètes à la fin de la compétition, malgré la déception, et le fair-play systématique véhiculé par ce sport devrait aider à étendre la généreuse famille que constitue au final cette discipline et l’athlétisme.
Objectif 2024
Le renouveau de la perche française était présent ce soir à Tourcoing. A savoir, Alioune Sène, Ethan Cormont, Baptiste Thiéry et les frères Collet. Effectivement, une nouvelle génération de perchistes français apparaît. L’épopée Lavillenie semblant toucher à sa fin, l’élite de la perche française avait besoin de sang neuf en vue des Jeux Olympiques de Paris 2024. Si certains espéraient une meilleure performance à Tourcoing, le futur de la discipline semble assuré, ou repose en tous cas sur de bonnes bases. Baptiste Thiery a échoué à 5m74. A seulement 20 ans, le décathlonien rivalise avec le gratin des spécialistes français. Ethan Cormont, âgé de 22 ans, a également brillé ce soir. Malgré une saison semée d’embûches, il compte bien porter le drapeau français sur le podium de Paris. M. Ludwig nous a d’ailleurs fait part de son enthousiasme à sauter aux côté d’une telle jeunesse, plus discrète aux Etats-Unis. Mais cela suffira-t-il pour faire trembler le géant Suédois Armand Duplantis ? Est-ce suffisant face à l’insatiabilité des Américains ? Il reste néanmoins deux longues années aux Français pour se préparer et faire mieux qu’à Tokyo où l’équipe de France n’avait ramené qu’une seule médaille.