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Aprilia, la renaissance à l’italienne

La lumière au bout du tunnel. Aprilia renaît en MotoGP. La firme de Noale vient d’obtenir son tout premier podium avec son pilote Aleix Espargaró. Alors depuis l’arrivée anticipée de Maverick Viñales au guidon de la RS-GP, l’équipe est au centre de toutes les attentions. Maintenant que (presque) tous les voyants sont au vert, elle espère sortir de l’ombre de sa rivale Ducati. Décryptage de ce retour au premier plan.

Aleix Espargaró, homme à tout faire

La saison 2021 est le théâtre de l’avènement de Fabio Quartararo. Fort de cinq victoires en treize Grands Prix, le Français file tout droit vers son premier titre mondial. Mais elle offre également une lutte acharnée entre constructeurs. Pour la première fois dans l’histoire du MotoGP, le circuit de Silverstone a vu cinq équipes au moteur différent, Yamaha, Suzuki, Aprilia, Ducati et Honda, aux cinq premières places. Seuls les Autrichiens de KTM, pourtant victorieux lors du Grand Prix précédent, manquaient à l’appel. Si un homme permet à Aprilia de se faire sa place dans la catégorie reine, c’est bien Aleix Espargaró. Week-end après week-end, l’Espagnol est devenu un habitué des top 10 et des top 5. Il a même offert au team vénitien son premier podium, en Angleterre, où il a mené provisoirement la course avec son frère Pol. Dimanche, en Aragon, le Catalan a failli récidiver en terminant quatrième. Pour autant, son implication ne se limite pas à cela.

Le numéro 41 est la pierre angulaire du programme Aprilia depuis sa signature en 2017. À son arrivée, l’équipe était au plus bas. Elle était condamnée à rester en fond de grille. Espargaró a rendu cette machine, que personne ne voulait piloter, capable de batailler avec les meilleures. Et ce, en développant les pièces et en multipliant les essais lui-même puisque l’équipe n’a pas d’équipes satellites contrairement à la majorité de ses rivales.

Ici en Sierra Nevada, Aleix Espargaró est ambassadeur du fabricant de cycle Orbea. Crédit photo : Orbea

Espargaró est également un touche-à-tout. Si l’équipe cycliste Movistar avait annoncé le recruter le Jour des Saint Innocents, fête espagnole propice aux plaisanteries à l’instar du 1er avril français, ce n’était pas dénué de tout contexte. Il a un niveau proche de celui des professionnels. En Andorre, c’est le compagnon d’entraînement d’Enric Mas et de la communauté cycliste peuplant la principauté. Les semaines de Grand Prix, il est également fréquent de le voir sillonner les circuits à bicyclette. D’un deux-roues à l’autre, la transition est vite faite.

La patte Rivola

Les passerelles entre Formule 1 et MotoGP se rétrécissent. Après le titre de son pilote Joan Mir l’an dernier, Davide Brivo a quitté Suzuki pour devenir le Team principal d’Alpine. Deux ans plus tôt, c’est Massimo Rivola qui effectuait le chemin inverse. L’Italien a été pendant 21 ans le directeur sportif de Minardi, Torro Rosso et de Ferrari. Aujourd’hui, il officie chez Aprilia. Lui aussi doit être associé à la réussite actuelle de son équipe. Rivola souhaite reproduire ce qui a fait la réussite d’Aprilia, dans les Grands Prix 125cc et 250cc ainsi qu’en Superbike, en MotoGP. Pourquoi les anciens titres mondiaux de Valentino Rossi, Jorge Lorenzo et Max Biagi au guidon d’Aprilia ne se reproduiraient-ils pas dans la catégorie reine ?

La RS-GP ressemble de plus en plus à un compromis entre la puissance en ligne droite des Ducati et la maniabilité des Suzuki, maintenant qu’elle résiste davantage en fin de course. Si elle s’avère fiable puisqu’Aleix Espargaró a échoué qu’une fois à rallier l’arrivée, son potentiel reste malgré tout à démontrer sous la pluie en « flag to flag ». En Autriche, Aprilia aurait déjà pu tenir son premier podium sans la dégringolade, de la deuxième à la dixième place, de son pilote, dans un dernier tour détrempé.

Massimo Rivola n’a eu aucun mal à s’adapter au MotoGP. Crédit photo : Milagro

En outre, Rivola souhaite impliquer davantage ses deux pilotes dans les travaux de recherche comme ce qui se fait en Formule 1 mais sans aller trop loin. L’analyse vidéo assistée par données est sa marque de fabrique. Même s’il aimerait que la technologie ne prenne pas le dessus sur le talent individuel des pilotes. Logé à la vieille école, il privilégie les rapports humains quant aux sensations individuelles à la télémétrie en temps réel consultable en direct pour les équipes. À ce sujet, l’une de ses priorités est de conserver l’esprit libre du pilote. Rivola est un romantique. « Sur les motos, le pilote est beaucoup plus important que dans les voitures. La position et le physique affectent l’aérodynamisme et de nombreux autres aspects. C’est pourquoi le public reconnaît tout le monde immédiatement. Je me souviens très bien du style de conduite particulier de Schwantz et de Doohan. »

Viñales plutôt que Dovizioso

Aprilia souhaitait compter sur deux pilotes de haut niveau. C’est désormais chose faite. Stefan Bradl, Álvaro Bautista, Bradley Smith, Andrea Iannone et Lorenzo Salvadori n’ont pas supporté la comparaison avec Espargaró, au cours des quatre dernières saisons. Alors l’ambition des Vénitiens était d’offrir leur seconde moto à un jeune en devenir ou à un champion confirmé. Les pilotes Moto2 Joe Roberts et Marco Bezzecchi ont décliné l’offre. Andrea Dovizioso, triple vice-champion du monde MotoGP, n’a pas plus voulu du guidon. L’Italien a, certes, été pilote test et a disputé plusieurs sessions de roulage mais secrètement, il attendait une meilleure offre. Il lorgnait sur la Honda de Marc Márquez au cas où ce dernier ne retrouverait pas son niveau. Il a finalement rejoint Valentino Rossi chez Petronas Yamaha SRT afin de palier le départ de Franco Morbidelli, parti remplacer Viñales sur la Yamaha d’usine.

En 2015 et 2016, Espargaró et Viñales s’étaient côtoyés dans le stand Suzuki. Crédit photo : MotoGP

Ce jeu de chaise musicale est déclenché par Maverick Viñales. En délicatesse au côté de Fabio Quartararo chez Yamaha, l’Espagnol a progressivement perdu les pédales. Il a d’abord résilié une partie de son contrat expirant fin 2022 avant de provoquer sa mise à pied en poussant volontairement le moteur de sa Yamaha au rupteur. C’est ainsi qu’il rejoint Aprilia.

L’homme aux 9 victoires en Grands Prix est le pilote que cherchait Rivola. L’idylle débute bien puisque seulement une semaine après ses premiers tests réussis, il a débuté en Aragon. Viñales retrouve également Aleix Espargaró, son ancien coéquipier chez Suzuki et grand confident. « Nous parlons souvent avec Aleix, nous sommes amis, il a essayé de comprendre ce qu’il me passait, il m’a protégé des médias, il m’a toujours poussé à ne pas abandonner et à venir chez Aprilia. Je ne sais pas si un autre pilote aurait fait pareil avec moi. Il est comme un frère, en plus d’être un pilote excellent. »

Le podium étant en poche, l’objectif est déjà une victoire. Avant le titre en 2023 ? Crédit photo : GP Inside

Un combat inégal

Dans l’euphorie et avec une telle association de talents, Aprilia semble enfin sur les bons rails. Néanmoins, la séparation avec le Team Gresini pourrait être un frein au développement de l’équipe même si elle permet au groupe de disposer de sa propre structure. Surtout, la firme de Soale n’a pas trouvé d’équipes satellites acceptant d’aligner deux RS-GP supplémentaires, l’an prochain. Les discussions avec Sky Racing Team VR46 et Gresini n’ont pas abouti. Cela signifie qu’Aprilia ne comptera que deux machines sur la grille contre huit pour Ducati et quatre pour Yamaha, Honda ainsi que KTM. Seul Suzuki se trouve dans la même situation et ne peut pas partager le travail de développement. Les Desmosedici Ducati ne sont donc pas prêtes à céder la main. Le rapport de force entre les ennemis de Bologne et de Noale demeure déséquilibré. Mais gardons tout de même un œil sur les progrès de la petite troupe transalpine.

Crédit photo : GP Inside
Aymeric Peze

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