Après avoir remporté l’Open d’Australie, Roland-Garros et Wimbledon en 2021, Novak Djokovic pouvait réaliser ce que personne n’a réussi depuis 1969 : le Grand Chelem. A l’US Open, le Serbe avait donc pris rendez-vous pour marquer de son nom l’Histoire du tennis…
Djokovic, le meilleur joueur du 21ème siècle ?
Parvenir à s’adjuger l’ensemble des Majors sur une même année, seul Rod Laver l’a fait dans l’ère Open, il y a plus de cinquante ans. Cette réussite est sans doute la seule capable de venir départager les monstres du tennis que sont Federer, Nadal et Djokovic. Les deux plus vieux avaient une bonne longueur d’avance il y a quelques années, ayant remporté davantage de Grands Chelems que le Serbe. Mais le numéro 1 mondial en a gagné huit sur les treize derniers (avant l’US Open 2021), ce qui lui a permis d’égaler ses pairs suisse et espagnol à la plus haute marche avec 20 Grands Chelems à leurs palmarès.
Le Grand Chelem calendaire est la reconnaissance ultime pour un joueur de tennis et donc forcément une finalité pour Djokovic. La tâche fut mission impossible pour Federer et Nadal. Le Suisse en remporte tout de même trois en 2006 et 2007 mais Nadal monopolise Roland-Garros. La seule fois où Roger remportera le Grand Chelem sur terre (2009), Nadal avait été sacré à Melbourne plus tôt. Et inversement pour Nadal la même année, la seule fois où il remporte l’Open d’Australie il perd pour le première fois de sa vie à Roland-Garros. Ces deux-là ne sont même pas parvenus à gagner les quatre d’affilée contrairement à Novak Djokovic (2015-2016).

La victoire de la dernière édition de Roland-Garros a également fait de Djokovic le seul des trois a avoir remporté à deux reprises chacun des Majors. En plus de cela en mars, le Serbe a dépossédé Roger du record de semaines passées en tant que n°1 mondial (alors élevé à 310). Pour couronner le tout, Djokovic a les meilleures statistiques en confrontation directe face à Federer (27 victoires contre 23 défaites) et Nadal (30 victoires contre 28 défaites).
Malgré tous ces facteurs qui pourraient faire de lui le chouchou du public et lui offrir une reconnaissance inégalée, il n’en est rien. Djoko reste le mal-aimé des trois. Ce polyglotte végan engagé pour la cause animale et l’environnement fait souvent preuve d’humour mais ne parvient jamais à séduire le public. Le cœur des fans du tennis avait déjà était conquis par Nadal ou Federer, champions avant lui et il le sait. Pendant le confinement, il s’est livré en live sur Instagram : « Quand je suis arrivé, j’ai dit que je voulais être n°1. Les gens se sont dit « qui est-il pour challenger Rafa et Roger ? » C’était moi contre le reste du monde ». Le Serbe s’y est fait et cherche désormais moins à plaire, ou alors le fait naturellement (célébration de victoire et dons d’accessoires au public).
Un rendez-vous manqué
Aucun tournoi sur gazon hormis Wimbledon n’a eu l’honneur d’accueillir le n°1 mondial cette année. Cela ne l’a pas empêché de remporter le tournoi londonien. Djokovic enchaine ensuite avec les Jeux Olympiques où il se fait exclure sévèrement en demi par Zverev, médaillé d’or par la suite. Le Serbe ne parvient même pas à décrocher la médaille de bronze, sorti par un surprenant Carreno-Busta (6/4-6/7-6/3).
Ces deux défaites d’affilée ne l’empêchent pas de se présenter à l’US Open confiant après un mois sans match. Nole fait preuve de fragilité à chaque tour du tableau. Il ne remporte qu’un match sans perdre de manches. Difficile pour lui de rentrer dans ses matchs et Nishikori, Brooksby, Berrettini et Zverev parviennent à prendre le premier set. Le dernier arrivera même à lui prendre le quatrième dans un match sensationnel. L’Allemand était pour Djokovic le principal opposant avant la finale, lui qui était en forme olympique. Mais le Serbe s’en défait 6 jeux à 2 dans le cinquième et dernier set.
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« Je vais jouer ce match comme si c’était le dernier de ma carrière »
La veille de la finale du simple messieurs fut historique. New York commémorait les 20 ans du 11 Septembre et couronnait une joueuse au parcours inimaginable. Le 12 Septembre, les planètes étaient censées s’aligner pour Novak Djokovic. En vain. Le stress et la nervosité ont créé des failles mentales et lui ont empêché de jouer son meilleur tennis. Après sa demie, il déclare : « Je vais jouer ce match comme si c’était le dernier de ma carrière. C’est peut-être le match le plus important de ma carrière. ». La pression sur ses épaules pèse alors le poids des cinquante dernières années de l’Histoire du tennis en plus de tout son parcours professionnel.
En face de lui se dresse son dauphin Daniil Medvedev, vainqueur de Toronto il y a deux semaines et demi-finaliste à Cincinnati. Le Russe a d’autant plus une revanche à prendre que Nole était déjà son bourreau en finale de l’Open d’Australie en début d’année.
Medvedev arrête la machine
Medvedev donne le ton en breakant d’entrée. Il oblige même le Serbe à sauver deux balles de double break. Djokovic finit ce troisième jeu par deux aces ce qui, on le pensait, le mettrait enfin en confiance. Pour une fois favori du public, Novak est frustré de ne pas réussir à jouer. Medvedev est au dessus, il fait très peu de fautes. Il parvient à être agressif lorsqu’il le faut et à faire craquer son adversaire en défendant. Amortie ou court-croisé de Djokovic, toutes les balles reviennent. Le n°1 mondial perd patience après avoir cédé le premier set. Dans l’incompréhension, il s’énerve contre lui-même et se frappe les cuisses violemment dans le début du second set, histoire de réagir. Rien ne fonctionne, le Serbe se défoule donc sur sa raquette après avoir manqué de breaker une énième fois (Djokovic ne concrétise que 17% de ses balles de break). La capacité de Medvedev à bien servir dans les moments importants lui permet de toujours s’en sortir. De plus, il est constant en retour et comble tous les espaces grâce à son envergure, ce qui complique le travail de son adversaire.

C’est à 3/0 en faveur du Russe dans la dernière manche que le public et les téléspectateurs comprennent qu’il y a peu de chances pour que l’Histoire s’écrive aujourd’hui. Double breaké, Novak Djokovic pense sauver l’honneur en remportant un jeu. Mais le public en a décidé autrement. Insatisfait, les New-Yorkais lui en demandent plus et ne veulent pas le laisser partir ainsi. Ils vont alors lui offrir la reconnaissance, à défaut du Grand Chelem. A 5/2, balle de match Medvedev, les spectateurs ne s’arrêtent pas de s’exprimer bruyamment, l’empêchant de se concentrer pour son service. Sous la pression, Daniil commet des doubles fautes et perd ce jeu. Djokovic recolle alors à 5/4.
Au changement de côté, l’ovation du public touche en plein cœur le mal-aimé du Big 3. Il se met alors la serviette sur son visage afin de dissimuler ses pleurs. Mais rien n’y fait, lorsqu’il faut revenir sur le terrain, ses yeux rouges trahissent son émotion. Malheureusement, Medvedev a les cartes en main et ne perd pas pied. Le Russe ne patiente plus avant de servir. Une autre balle de match est gâchée par une double faute. Mais jamais deux sans trois, celle-ci sera la bonne. Daniil Medvedev remporte son premier Grand Chelem sur un service gagnant et le célèbre en imitant le saumon façon FIFA. Et si c’est pas ça finalement l’Histoire…