Il y a encore quelques semaines, même les plus addicts du tennis ne savaient (presque) rien d’elles. Il y a deux jours, les voilà qui s’affrontaient sur le court Arthur-Ashe, en finale de l’US open. Si c’est Emma Raducanu qui a remporté le dernier grand chelem de l’année, c’est à deux qu’elles ont marqué l’histoire du tennis féminin. Retour sur leur parcours aussi inattendu qu’impressionnant.
2002. C’est l’année de naissance des deux finalistes de l’US Open 2021. La dernière finale qui avait opposé des teenagers (moins de 20 ans) date de 1999 avec un certain S. Williams/Hingis. Vingt-deux ans après, la jeunesse a repris le pouvoir à Flushing Meadows et nous a offert un beau spectacle.
Une progression fulgurante
Emma Raducanu, Britannique âgée de 18 ans, est LA révélation de la saison. Professionnelle depuis 2019, elle brille cette année à Wimbledon, à la surprise générale. Classée 338è mondiale et bénéficiant d’une invitation, elle se hisse jusqu’en huitièmes de finale pour son premier Grand Chelem, après avoir notamment battu Vondrousova (n°38), et Cirstea (n°39). Fin août, Raducanu arrive à New York en occupant la 150è place mondiale. Forcée de passer par les qualifications, elle ne se fait pas prier. Elle accède au premier tour du tableau principal sans difficultés. Et ensuite, plus rien ne l’arrête. La jeune joueuse marche littéralement sur ses adversaires. Maria Sakkari (demi-finaliste à Roland Garros) et Belinda Bencic (médaillée d’or aux JO de Tokyo) en font parties. Au moment de débuter sa première finale de Grand Chelem, Emma Raducanu n’a pas perdu un seul set en 9 matchs.

Leylah Fernandez est elle Canadienne, de deux mois son ainée. Cette gauchère connait mieux le circuit WTA, ayant déjà remporté un titre à Monterey (Mexique). Pourtant, son parcours en Grand Chelem cette année n’est pas étincelant. Elle s’incline au second tour de Roland Garros et au 1er tour de Wimbledon. Comment l’imaginer alors se hisser jusqu’en finale de l’US Open ? La 73ème mondiale n’a pourtant pas été inquiétée lors des deux premiers tours. Et puis est arrivée Naomi Osaka (n°3). Si ce match a été un tournant négatif dans la saison de la Japonaise, la native de Québec a réalisé un véritable exploit (qui en annonçait bien d’autres). Leylah s’est défaite de Kerber (n°17), Svitolina (n°5) et Sabalenka (n°2). Rien que ça. Des matchs plus longs, mais qui lui ont permis d’améliorer son jeu et d’affirmer sa force de caractère.
Queen Raducanu
Avant de débuter cette finale historique, difficile de donner une favorite. D’un côté Fernandez, gauchère et très rapide dans ses déplacements, mise sur sa capacité d’anticipation et sa prise de balle précoce. Un contrôle de l’échange et un timing impeccable, voilà les qualités majeures de son jeu. De l’autre côté du filet, Emma Raducanu impressionne par sa technique et son intelligence tactique. Ses frappes sont plus lourdes et variées. Quoiqu’il en soit, les deux joueuses font preuve d’un mental de dingue, proposent un jeu créatif, aiment jouer avec la foule et surtout, prennent du plaisir sur le court.
Si vous avez raté le match, allez voir un résumé car ça vaut le coup. Certes, Raducanu n’a encore une fois eu besoin que de 2 sets pour remporter le match, mais la qualité de tennis qu’ont proposées ces deux filles est assez folle. Après un gros bras de fer défensif dans le premier set, la plus jeune vire en tête. Malgré la durée des échanges, c’est elle qui se montre la plus solide. Emma avait les clefs. Le schéma tactique qu’elle a mis en place a gêné son adversaire qui à l’inverse, n’a jamais réussi à trouver la faille.
Rendez vous compte de ce qu’elle a réalisé. Elle est la première joueuse de l’Histoire à avoir remporté un tournoi du Grand Chelem en étant passée par les qualifications. Elle devient la première Britannique à gagner un Grand Chelem depuis Virginia Wade en 1977 et la plus jeune depuis Maria Sharapova en 2004, pour ne citer que ça (car la liste est longue). En plus d’avoir marqué l’Histoire, elle a brisé des records.
L’avenir du tennis mondial
« C’est universel ce qu’elles sont en train de créer ces deux gamines, c’est la meilleure pub du tennis qu’on ait jamais inventée ». Ce sont les mots du journaliste Benoit Maylin. Et difficile de le contredire. Au delà de la dimension historique de leurs exploits, Raducanu et Fernandez, qui sont maintenant classées 23ème et 28ème mondiales, sont porteuses de messages forts. Elles incarnent la mixité culturelle, la jeunesse et le tennis moderne.
Le futur de ces deux prodiges est prometteur, mais le plus dur est à venir : s’imposer dans la durée et faire preuve de régularité. Car c’est le problème du tennis féminin. La WTA manque parfois de patronne. On pensait que Naomi Osaka incarnerait cette nouvelle image du tennis féminin, mais le temps nous montre que la Japonaise peine à gérer la pression médiatique. A voir comment les deux finalistes gèreront ce succès retentissant et rebondiront dans les mois prochains. On ne peut que leur souhaiter un avenir tennistique radieux car ces deux-là sont des perles rares, et on espère qu’elles brilleront de longues années.