Quatre mois après le Grand Prix de Portimão qui avait sacré Joan Mir, la MotoGP est de retour pour sa 73 ème édition. Ce week-end a lieu la première course sur les terres qatariennes d’une saison 2021 qui s’annonce encore plus palpitante que la dernière. Entre le comeback de Marc Márquez, les nombreux changements d’écurie et l’arrivée de nouveaux pilotes, présentation de l’exercice à venir.
Márquez à la reconquête de sa couronne
Marc Márquez (Repsol Honda Team) est le troisième pilote le plus titré de l’histoire de la MotoGP. L’Espagnol compte à 28 ans six titres mondiaux contre sept pour Valentino Rossi, toujours en activité, et huit pour Giacomo Agostini. L’extraterrestre Márquez était en avance sur tous les temps de passage des deux Italiens. Il ne faisait presque aucun doute qu’il allait s’emparer du record de victoires en Championnat du monde.
Mais, sa cauchemardesque saison 2020 est venue tout chambouler. MM93 n’a disputé qu’un Grand Prix l’an dernier : le tout premier à Jerez, premier d’une saison remodelée en raison de la Covid- 19. Et quelles montagnes russes ! Après une légère chute en début de course, il effectue une remontada improbable jusqu’à la deuxième place qui l’aura vu dépasser quinze pilotes pour une moyenne d’un dépassement par tour. Mais alors qu’il aperçoit Fabio Quartararo en ligne de mire, le Catalan chute lourdement et se fracture l’humérus droit.

À la fois négligeant et impatient, il a ensuite voulu recourir dès le Grand Prix suivant mais il a aggravé sa blessure. Sa saison 2020 s’est arrêtée là. Marc Márquez a été opéré au moins trois fois du bras. Alors qu’il avait repris le guidon d’une moto pour la première fois depuis de longs mois, le sextuple champion du monde a annoncé son forfait pour les deux premières manches de l’exercice 2021, au Qatar. Il ne se sent pas encore prêt. Désormais ses médecins sont beaucoup plus prudents, le clan Honda ne veut également pas compromettre la suite de sa carrière. Aujourd’hui, on en est bien là : personne n’est en mesure de dire si Marc Márquez retrouvera son meilleur niveau. Une fois encore, le pilote espagnol détient les clés de la saison.
Quartararo et Zarco, changements bénéfiques ?
Les deux pilotes français présents dans la catégorie reine ont changé d’écurie à l’intersaison. Fabio Quartararo a été promu chez Yamaha. Il quitte Petronas Yamaha SRT pour rejoindre l’équipe officielle de Yamaha : Yamaha Motor Racing. Le Niçois de 21 ans échange donc son guidon avec celui de son idole, la légende Valentino Rossi, 42 ans. L’Italien fait le chemin inverse pour un passage de témoins entre deux générations différentes. Sur le papier, il devrait bénéficier d’une meilleure machine même si la firme nippone sort d’une saison compliquée. Yamaha n’a pas réussi les améliorations technologiques escomptées. Le peu de tests effectués ne permet pas de savoir si les problèmes moteurs ont été résolus.
Fini la cohabitation avec Franco Morbidelli, Quartararo hérite d’un nouveau coéquipier en la personne de Maverick Viñales. L’Espagnol, en manque de confiance, est à sa portée. Fabio Quartararo espère devenir le premier champion du monde français en MotoGP. Cependant, il devra être plus constant qu’en 2020, année du « tout ou rien ». El Diablo a aligné trois pole positons et trois succès en Grand Prix pour finalement finir à une décevante huitième place au championnat.

Johann Zarco, parfois éclipsé par les coups d’éclat de son compatriote, peut à nouveau être ambitieux. Il récupère une moto à la hauteur de son talent en rejoignant Ducati Pramac au côté du rookie Jorge Martín. Le Cannais quitte la modeste écurie satellite espagnole Avintia, troisième équipe au moteur Ducati, dans la hiérarchie. Il bénéficie même d’une Ducati d’usine plus développée que celle qu’il avait l’année dernière.
Treizième du championnat l’an dernier, « Jojo » aura pour mission de titiller le Top 5 comme il l’avait fait lors de sa première année en Moto GP, chez Yamaha Tech 3. Zarco est à la recherche du temps perdu. Il ambitionne symboliquement de remporter le premier Grand Prix de l’histoire de sa nouvelle équipe. Jack Miller et Danilo Petrucci ne sont pas passés loin de la gagne, le Français compte désormais apporter la dernière pièce à l’édifice. Et pourquoi pas plus avec ce pilote atypique qui a toujours cru au titre.
Suzuki peut-elle confirmer ?
L’an dernier, Suzuki a créé la surprise en remportant son premier titre pilote depuis Kenny Roberts Jr en 2000. L’équipe a également mis fin à la domination du tandem Yamaha – Honda chez les constructeurs. Moins performante en qualification, la Suzuki GSX-RR est redoutable en course car elle est très maniable. Et à partir de la mi-course, quand les réservoirs se vident, elle devient la machine la plus efficace. Joan Mir et Alex Rins sont également devenus des maîtres dans la gestion de leurs pneumatiques.
Cet hiver, l’équipe japonaise a perdu l’une de ses pièces angulaires : Davide Brivio, le team principal, a quitté la MotoGP pour la Formule 1, avec Alpine. L’absence de l’Italien devrait se faire ressentir même si les « bleus » forment un bloc soudé. En effet, Suzuki est la seule des douze équipes MotoGP à avoir décidé de rester au Qatar avec l’ensemble de ses effectifs entre les essais de pré-saison et les deux premiers Grands Prix.

Mir et Rins ne sont pas rentrés à leur domicile andorran afin de minimiser le risque de contamination par la Covid-19. Joan Mir, le champion du monde en titre, a décidé de garder son numéro 36. Il devra gérer son nouveau statut, d’autant plus qu’il n’a pas écrasé le championnat. À lui de confirmer son titre un peu opportuniste de l’année dernière. Les prétendants à sa succession sont nombreux.
L’hégémonie espagnole en péril
Depuis 2012, aucun titre n’échappe aux pilotes ibériques, surreprésentés, en MotoGP. Jorge Lorenzo, Joan Mir et surtout Marc Márquez ont marqué de leur empreinte les années 2010. Le dernier champion du monde non espagnol est l’Australien Casey Stoner, en 2011. Cette saison, les Espagnols sont toujours plus représentés que les Italiens avec neuf pilotes contre sept. Cependant, l’hégémonie espagnole pourrait bien voler en éclat. Si côté français, Fabio Quartararo est un sérieux prétendant, l’Italien Franco Morbidelli et l’Australien Jack Miller sont devenus plus que de simples outsiders. Ce sont les deux principales menaces pour les pilotes Suzuki et Marc Márquez.

Sur leur KTM, le Portugais Miguel Oliveira et le Sud-africain Brad Binder tenteront de confirmer leur première victoire en Grand Prix, acquise l’an dernier. Le Japonais Takaaki Nakagami (LCR Honda) est lui en quête d’un premier succès. Si nouveau vainqueur de Grand Prix il y a, le protégé de Lucio Cecchinello part avec une longueur d’avance sur la concurrence. Nakagami est désormais plus qu’une image de marque pour Honda.
Qui sera le meilleur rookie ?
Andrea Dovizioso et Cal Crutchlow, 35 ans chacun, ont tiré leur révérence. La vieille garde meurt à petits feux. À 42 ans, Valentino Rossi apparait comme le dernier des Mohicans, comme l’ultime rempart devant une jeunesse qui a déjà pris le pouvoir. Les pilotes sont de plus en plus jeunes. Cette saison, trois nouveaux venus débarquent en MotoGP : Enea Bastianini, champion du monde en Moto2 mais aussi Luca Marini et Jorge Martin, respectivement deuxième et cinquième dans cette catégorie. Les deux premiers piloteront pour Esponsorama Racing. Ils formeront un binôme atypique, presque tout les oppose. Marini, plus grand pilote MotoGP par la taille (1.84m), a un pilotage plus fluide que l’agressif Bastianini (1.68m). Ce dernier a gagné le surnom de Bestia (la bête) en coupant les trajectoires.
Jorge Martin sera, lui, le coéquipier de Joan Zarco, sur la Ducati Pramac. On n’oubliera pas non plus Iker Lecuona (Tech 3 KTM Factory Racing), qui en est à sa deuxième saison mais qui reste le plus jeune pilote du plateau, à 21 ans. Futur champion du monde et meilleur rookie, les jeux sont ouverts…