Champion des Etats-Unis à 14 ans, grand maître à 15, bourreau de l’hégémonie soviétique en pleine guerre froide, dire que Bobby Fischer était un prodige des échecs est un euphémisme. Pour ce 12ème jour du calendrier de l’Avent, les Olympistes vous racontent comment ce génie paranoïaque a sombré dans la folie.
L’histoire commence par un simple cadeau en mars 1949. Un petit échiquier en carton offert par Joan Fischer, à son frère cadet Bobby. Le début d’une véritable obsession pour le jeune Américain de 6 ans. Il en fait rapidement son unique objectif et progresse de manière impressionnante jusqu’à décrocher le titre de champion d’échecs des Etats-Unis en 1958. Le gamin de Brooklyn n’a alors plus qu’un objectif, décrocher le graal absolu, le titre de champion du monde. Une quête qu’il mettra encore 15 ans à atteindre et qui marquera le début d’une descente aux enfers.
Entre paranoïa et antisémitisme
En 1972, Fischer affronte Boris Spassky, un des membres de l’armada russe régnant sur les échecs depuis des décennies. Une finale mondiale rapidement transformée en guerre froide miniature entre les mains de deux hommes. « Le match du siècle » est remporté par Fischer après un peu moins de deux mois de jeu.
Après avoir voulu arriver au sommet, Bobby Fischer a maintenant peur de tout perdre. Déjà connu comme une « diva » voulant à tout prix faire respecter ses demandes, le Kid de Brooklyn passe un cap dans la paranoïa. La nouvelle star américaine veut devenir invisible et se rapproche dangereusement de la secte « l’Eglise universelle de Dieu ». Il a comme volonté numéro une de fonder une famille dans le but de faire perdurer son génie. Reclus dans la banlieue de Los Angeles, Bobby tombe dans un antisémitisme profond, alors qu’il est lui-même issu d’une famille juive, mais aussi dans l’antiaméricanisme ou même l’antichristianisme. Ruiné, il n’a même plus les moyens de se soigner les dents, qui se déchaussent peu à peu.

Le génie admiré réapparaitra seulement en 1992, pour jouer la revanche du « match du siècle » en Serbie. Bobby gagne une nouvelle fois mais réussi à se mettre le gouvernement américain à dos en ne respectant pas l’embargo contre la Serbie. Un épisode qui lui permettra de récolter un mandat d’arrêt et d’être recherché dans son propre pays. Errant en Europe à la recherche de l’asile, le grand maître va jusqu’à déclarer : « C’est une formidable nouvelle, il est temps que ces putains de juifs se fassent casser la tête. Il est temps d’en finir avec les Etats-Unis une bonne fois pour toutes » à la suite du 11 septembre. Difficile de tomber plus bas.
L’Islande acceptera finalement d’accueillir le champion déchu jusqu’à sa mort. En 2008, Fischer décède d’une insuffisance rénale après avoir refusé de se faire soigner, par méfiance de la médecine. Il avait alors 64 ans, soit le nombre exact de cases… d’un échiquier.