Anne-Laure Salvatico, journalise à Canal+, est bien placée pour ne pas savoir de quoi demain sera fait. Après s’être naturellement tournée vers le football féminin qui l’intéresse particulièrement, elle s’est laissée guidée au fil des opportunités qui se présentaient pour devenir commentatrice à la télévision. Pour Les Olympistes, elle évoque l’actualité dense de ses derniers jours autour du football féminin, et comment elle a découvert le commentaire, presque par hasard.
Anne-Laure, l’actualité c’est la victoire vendredi soir du Paris SG face à l’OL dans le choc de la D1 Arkéma, Paris qui reprend un point d’avance au classement sur les Lyonnaises […]
C’est énorme ce qui s’est passé au Parc des Princes, c’est le choc que l’on attend tous les ans entre ces deux équipes qui prétendent évidemment au titre. On avait ces dernières années le même scénario avec des matchs très accrochés et finalement ça basculait du côté de Lyon. Hier soir (entretien réalisé samedi 21 octobre ndlr) les choses se sont passées différemment au Parc des Princes. C’est intéressant de voir qu’au classement cela a tout changé. Maintenant c’est Paris qui est devant. On va voir Lyon dans un autre rôle, qui d’habitude est dans le rôle du chassé. Là, Lyon va avoir le rôle du chasseur, et pour le championnat, le suspense et l’intérêt de la D1, cela va être intéressant de suivre la suite de la saison.
L’équipe de France fait également l’actualité dans le foot féminin français ces derniers jours, en dehors du terrain avec de multiples événements. C’est dommageable ?
Je ne sais pas si c’est vraiment dommageable. C’est aussi preuve que le football féminin se développe, prend de la place. C’est sûr que d’un point de vue interne j’imagine que c’est dommageable. Après, c’est le foot féminin qui grandit avec tout ce que l’on a pu voir pendant la Coupe du monde à l’été 2019, tous les aspects positifs, une équipe qui grandit, des stades qui se remplissent et un intérêt médiatique plus important. Comme dans tous ces moments-là, il y a aussi les dérives et forcément autour de l’équipe de France, oui, parfois il y a des accrochages, des choses qui vont moins bien.
Cela prend de la place médiatiquement : cette semaine (celle du 16 novembre) il y a eu deux Une de l’Équipe sur l’équipe de France féminine. Il y a quelques années c’était impensable. Il y a deux ans Canal+ diffusait en prime time son premier match de football féminin. Hier, c’était un premier match de D1 au Parc des Princes. Tout ça grandit, avec tout ce qui va avec et ce n’est pas toujours du positif.
De plus en plus de visages féminins apparaissent sur les plateaux télé sportifs, sur les bords pelouses. C’est une bonne chose, il faut bien le dire.
Oui c’est une bonne chose. En fait c’est le reflet de ce qui se passe dans la société. De plus en plus de femmes prennent les responsabilités, des postes importants, s’affirment dans leurs univers respectifs. Évidemment que c’est important, et pas uniquement dans le sport. C’est un enjeu social. C’est ce que je me dis. J’ai envie de réussir aussi pour ça, de montrer que je suis autant compétente pour commenter qu’un homme. Je n’avais même pas pensé commenter car il n’y avait aucune femme, c’était impensable une femme qui commente.
Aujourd’hui, je prends souvent cet exemple : mon frère a des filles qui grandissent avec une tatie qui commente des matchs de foot, avec l’idée qu’elles peuvent faire ça. Alors que moi j’ai grandi avec l’idée que ça n’existait pas. Heureusement qu’il y a des femmes qui anticipent plus que moi et qui tentent de bousculer les lignes plus tôt. Oui c’est top mais encore une fois ce n’est pas que le sport. C’est un enjeu de société, les choses sont en train de bouger. Je peux dire que ce n’est qu’une bonne chose et c’est positif ce qui se passe.
Personnellement vous suivez le foot féminin depuis plusieurs mois voire années, comment s’est faite cette affiliation ?
Déjà par rapport à mon parcours. C’est de famille. Mon papa jouait au foot, mon frère aussi, ma mère a trois frères. J’ai passé des dimanches autour des stades (rires). Dans le club où jouait mon frère, au FC Ramatuelle (dans le Var ndlr), il y a une section féminine qui s’est montée. Dès mes 14 ans et pendant dix ans, j’y ai pris part. Déjà j’avais cette appétence pour le foot féminin. Quand je suis arrivée à Canal+, forcément je suis restée dans le sport, après l’école de journalisme (voir ci dessous) parce que c’est ce qui me plaisait.
À Canal tout s’est fait avant la Coupe du monde. Ils cherchaient un petit peu plus des filles pour commenter. Mon parcours a fait qu’ils ont pensé à moi en se disant que j’avais joué, que ça faisait dix ans que j’étais dans la boîte et que je travaillais au service des sports. Cela s’est fait comme ça. C’est mon parcours qui m’a évidemment amenée à commenter et à suivre le foot féminin.

Vous avez toujours voulu être journaliste, c’était une vocation ? (Elle coupe)
Pas du tout (rires) ! Quand je discute avec mes collègues, ils ont toujours voulu faire ça. Moi c’est vrai que ce n’est pas du tout là-dedans que je voulais me lancer. Pour être tout à fait honnête, plus jeune je ne lisais pas beaucoup la presse, je n’étais pas des plus curieuses. Mais quand même ça devait être présent car j’aimais beaucoup écrire, le français, la littérature.
Après, en fac de sport je me cherchais là encore, je pensais être enseignante. Puis en troisième année en Staps il fallait mener un projet, pour lequel on était très libres. J’ai décidé de faire un journal, par la suite ça m’a mis un petit peu la puce à l’oreille. Ensuite j’ai fait une école de journalisme mais ça s’est vraiment décidé très très tard. Tout comme le commentaire d’ailleurs, je ne m’étais jamais dit que j’allais faire ça. Je n’anticipe pas vraiment les choses.
Vous êtes passée par l’école de journalisme de Nice : c’est ce qui vous a vraiment forgée ?
(Elle hésite) Oui et non parce que pour moi qui n’avait jamais imaginé être journaliste ça m’a vraiment apporté puisque je ne savais pas écrire un article. Je partais de zéro. L’école m’a donnée les bases : écrire un papier, un chapeau, un titre. Je le reconnais volontiers : pour moi c’était très flou. Il y avait des personnes qui arrivaient de prépa. Le premier jour, il fallait écrire un article et tout le monde était en avance et moi j’étais larguée. À Nice on m’a vraiment donné toutes les bases en radio, en télé. Après, tout s’est vraiment fait sur le terrain. J’ai fait pour l’instant tout mon parcours à Canal mais dès mon stage en juillet 2008, c’est là que j’ai commencé à mettre le nez dedans. J’étais convaincue que c’est sur le terrain que l’on fait ses preuves.
Les écoles nous ouvrent évidemment certaines portes et moi l’école m’a trouvée mon stage et m’a envoyée à Infosport à la fin de mes études. Pour moi, c’est sur le terrain qu’on apprend tout. Et encore aujourd’hui. Hier (le 20 octobre) j’étais au Parc des Princes en bord terrain, un exercice que je fais rarement. J’apprends encore énormément. Chaque jour, il faut se remettre en questions. C’est pas tous les jours simple mais la meilleure école c’est sur le terrain.
Vous semblez maintenant vous épanouir au sein du groupe Canal mais comment intègre-t-on le groupe ?
C’est vraiment l’École, à la fin des deux ans de formation, qui vous propose un stage. Pour le coup moi je ne pensais vraiment pas être journaliste sportive. Quand je suis partie à l’école, certes j’aimais bien le sport avant, mais j’aimais bien l’information généraliste aussi. Encore une fois c’est vrai que dans mon parcours je me suis fait un peu porter. Ce sont les gens qui ont les idées pour moi (rires). À l’époque il y avait donc ce stage à Infosport et ils se sont dit « il y a Anne-Laure, elle a une licence en sport, elle montre son intérêt pour le sport ».
En plus, j’avais fait un stage à Monaco TV et c’était mon prof de radio qui gérait la chaîne. Ils m’ont envoyé voir tous les matchs de Monaco. La direction de l’école m’a demandé si un stage à Infosport m’intéressait. J’ose pas le dire mais j’ai découvert qu’Infosport c’était Canal +, la fusion s’était faite depuis à peine quelques mois. Quand je suis arrivée le premier jour de mon stage, moi qui suis une enfant de Canal, qui ai toujours regardé la chaîne, on se dit qu’on va faire un stage à Infosport et Canal +. On arrive devant le bâtiment et on se sent vraiment petit.

Le commentaire de matchs, principalement en D1 féminine, c’était un objectif ou cela vous ait tombé dessus encore une fois ?
Ça m’est également tombé dessus (rires). Sur le commentaire, c’est fou parce que lorsque l’on discute entre collègues on se demande où est-ce qu’on pourrait aller, qu’est-ce qui nous intéresse, les questions qu’on pourrait se poser chacun sur son avenir. Quand je réfléchissais à la suite, jamais, jamais je n’avais intégré le commentaire comme une possibilité. C’est ça qui est fou je ne m’étais jamais dit ça et pourtant Candice Rolland qui le fait à l’Équipe, on a fait la même école, c’est une amie, et elle au contraire à toujours voulue faire ça. J’aurais pu me dire « et pourquoi pas ? ». En fait je n’y ai pas pensé, je suis une grande passionnée de théâtre, je fais énormément de théâtre à côté donc il y a quand même des choses qui s’entremêlent dans le commentaire et le théâtre : le côté sans filet etc.
Avant la Coupe du monde, c’est ce que je disais tout à l’heure, mes chefs m’ont demandé si ça m’intéressait de me tester au commentaire. J’ai rigolé, tellement pour moi ce n’étais pas envisageable. Mais finalement je me suis dit que c’était une très bonne idée. Ils m’ont dit de choisir un match pour mon test.
Et ce week-end là il y avait eu un Marseille/Angers. Comme je suis du sud Marseille c’est un club que j’ai toujours un petit peu plus je suivi. J’ai choisi ce match en me disant que je connaissais déjà les joueurs de Marseille, à Angers c’était plus compliqué ! J’ai un petit peu bossé, j’ai fait mon test et ils m’ont dit que je ferais par la suite un test avec un consultant, pour prendre l’habitude d’avoir toujours un consultant avec toi. C’est toujours pareil dans les entreprises on a jamais le temps. Donc j’avais fait un test et on m’a lancée sur le commentaire de mon premier match de la Coupe du monde féminine.
C’est parti comme ça, j’avais un test à mon actif et je me suis lancée. C’est vraiment une décision pour le coup qui est venue de mes chefs et qui après m’a stimulé à fond. Par la suite j’ai une réponse à la question « pourquoi je n’y ai pas pensé avant ? » : je n’ai pas vraiment de modèle, dans l’histoire aucune femme jusqu’à l’histoire récente ne commentaient donc je ne l’ai même pas envisagé. À tord.
En plus du commentaire on peut vous voir parfois à l’antenne au Late Football Club, la quotidienne du foot sur Canal+ Sport. C’est important de garder ce lien entre le commentaire et le plateau ?
Oui c’est important parce que tout se nourrit. Avant tout ça j’étais à Infosport+ donc je faisais du news pure et dure. J’ai même fait de l’édition, donc j’étais plus derrière la caméra. En fait tout s’entremêle. Pour moi c’est très important d’aborder tous les aspects du métier parce que justement quand vous êtes au commentaire vous savez ce que c’est qu’être celui qui vous parle dans l’oreillette. Vous savez ce que c’est d’être celui qui est en plateau et qui vous parle aussi. Vous connaissez un peu plus les attentes des uns et des autres, c’est très important.
Sur le « Late », une émission très pointue qui va au fond des choses en terme de statistiques, de palettes, c’est une très grande rigueur et qui m’apporte beaucoup sur mes commentaires aussi. Parce que quand dans la semaine on a pu parler de tel ou tel sujet et que j’ai pu passer des après-midi entières à chercher des infos, cela a nourri mon commentaire du week-end.
Anne Laure Salvatico est une commentatrice très entraînante et dynamique. C’est aussi une supportrice (du PSG féminin) elle est très engagée dans ses commentaires.
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