Si on peut se moquer des Anglais, incapables de ramener la coupe à la maison depuis 1966, l’Ecosse n’est pas en reste. Souvent proches de gagner mais toujours laissés sur le carreau, les Écossais ont pourtant marqué de leur empreinte la dernière trêve internationale. En effet, les Scottsmen ont réussi l’exploit de se qualifier pour le prochain Euro.
22 ans d’attente
Si vous souhaitez vous rendre en Ecosse en voiture, il faut vous armer de patience. Après avoir traversé le tunnel sous la Manche, vous devez ensuite traverser toute l’Angleterre du sud au nord. Un long voyage donc mais pas aussi long que l’attente des Ecossais pour retrouver la saveur des grandes compétitions internationales. Cette saveur si délectable soit-elle a forcément un petit goût amer. Car c’est dans un stade vide à Belgrade que les hommes de Steve Clarke ont composté leur ticket pour le prochain Euro. Pour mesurer le degré d’attente, il suffit de jeter un œil sur les scènes de liesse qui ont suivi cette qualification. Flower of Scotland a été chanté à plein poumon par des centaines de Glaswégiens, confrontés tout de même aux contraintes sanitaires.
Emmené par des visages bien connus de Premier League, Andy Robertson, Scott McTominay ou Kieran Tierney, le football écossais vient peut-être de soigner un vieux traumatisme : celui de la lose. Le changement de siècle a marqué la fin de la présence de l’Ecosse sur le devant de la scène internationale. L’équipe du Chardon était absente de seulement deux coupes du Monde sur les huit dernières du XXème siècle. En club, le Celtic et les Rangers ne brillent plus sur le Vieux Continent, et Kenny Dalgish attend encore de voir son héritage perdurer. La saison 1967 au cours de laquelle le Celtic avait réalisé un quintuplé historique n’est alors qu’un lointain souvenir.
Les désillusions se sont ensuite enchaînées plus vite que des shots de whisky dans un bar d’Edimbourg un samedi soir. Et en juin 2016, les Ecossais étaient bien seuls au bar puisque leurs copains gallois, anglais et irlandais étaient en France pour l’Euro.
Mais le temps des déceptions semble appartenir au passé. En place depuis un an et demi, Steve Clarke récupère une sélection au fond du trou, capable de perdre 3-0 face au Kazakhstan. « Il redonne espoir a tout un pays. Ça mis du temps pour construire ce groupe, il a galéré sur les premiers matchs mais la qualification montre qu’on progresse. Il profite aussi du fait que le Celtic et les Rangers retrouvent des couleurs. Il y a une vraie évolution comparé à ne serait-ce que 2 ans en arrière » explique Scottish Football FR.

Rendez-vous à Wembley
« L’Ecosse c’était quelque chose avant. Ils étaient craints, c’était les tacles aux genoux ! On incarne le foot à l’ancienne, on joue avec le cœur. Mais aujourd’hui tu ne peux plus jouer qu’avec les tripes, il faut une discipline tactique et technique. Le foot écossais ne s’est peut-être pas adapté au foot moderne. On est souvent proches des qualifications mais il a toujours manqué un petit quelque chose » raconte Emmanuelle Hingant, expatriée française et arbitre en terre écossaise. À tel point que l’adage mythique de Gary Lineker a été repris à la sauce haggis : « Le football est un sport qui se joue à 11 et à la fin c’est l’Écosse qui reste sur le carreau ».
Ce fighting spirit est encore fortement imprégné dans la sélection mais il ne faut pas occulter les progrès tactiques. « L’équipe est plus patiente sur les phases de construction avec un 3-5-2 modulable. Ça joue avec un point d’appui construit autour de l’excellent Ryan Christie » rappelle le compte Twitter dédié au foot du nord de l’île britannique. Cette formation permet d’exploiter pleinement Andy Robertson, capable d’enchaîner les allers-retours sur son flanc gauche. Malgré une défense à 3 éléments, l’Écosse n’a pas une défense très friable, et reste sur 11 matchs consécutifs sans prendre plus d’un but. Cela s’explique aussi par le positionnement plutôt bas de Callum McGregor devant la défense.

La Tartan Army, surnom des supporters écossais, retrouve le sourire et se permet désormais de rêver de botter les fesses des rivaux anglais en juin prochain dans leur antre de Wembley : « Pour la première fois, il y aura des matchs de phase finale chez nous. Tous les Écossais sont impatients de voir ça » a confié Richard McBrearty, figure du football écossais à L’Équipe.
« Le football est un sport qui se joue à 11 et à la fin c’est l’Écosse qui reste sur le carreau ».
La ferveur est là. 50 % de la population écossaise a regardé le match contre la Serbie à la télévision. Quelques semaines auparavant, cette scène hautement cocasse lors du match face à Israël a fait le buzz sur Twitter. En pleine crise sanitaire, les bars sont priés de fermer leurs portes à 22h. Problème, le match n’était pas fini, prolongation oblige. Pas un problème pour la Tartan Army qui a vu sa sélection l’emporter, depuis la rue.
En 1999, l’Écosse avait réussi l’exploit de battre l’Angleterre à Wembley. L’équipe anglaise était alors composée de David Beckham, Michael Owen, Gary Neville et d’un certain Gareth Southgate. Les retrouvailles sont très attendues le 18 juin prochain. La Croatie et la République Tchèque sont les deux autres équipes composant la poule. « Il faudra être intelligent et ne pas tout donner face aux Anglais car la République Tchèque a déjà été battue par l’Écosse. » prévient Scottish Football Fr.
De la prison à l’Euro
C’est donc grâce à un arrêt de David Marshall que les Scotsmen ont paraphé leur qualification pour le prochain Euro. Tout un symbole puisque le portier natif de Glasgow est présent en sélection depuis plus de 16 ans. L’actuel gardien de Derby County est une légende de la sélection de par sa longévité. Aucun joueur n’a porté plus longtemps que lui la tunique nationale. Le portier historique a donc dû attendre plus de 15 ans et arrêter deux pénaltys pour enfin se qualifier à une grande compétition. Une longue attente donc, mais qui ne semblait pas peser outre-mesure sur ses épaules. Au coup de sifflet final, le gardien n’avait alors pas compris que son arrêt qualifiait son pays.
Sa simple présence montre l’hétérogénéité de l’effectif à la disposition de Steve Clarke. En effet, David Marshall n’a jamais évolué à un très haut niveau, passant sa carrière en deuxième division anglaise. On peut aussi citer la défense à 3 au profil unique. Car entre Scott McTominay ou Kieran Tierney, on retrouve Declan Gallagher. Le défenseur de Motherwell revient de loin puisqu’il a passé un an derrière les barreaux en 2017 à cause d’une agression à la batte de baseball en état d’ivresse. Quand on sait que le dernier match des Écossais à l’Euro fut une défaite face à l’Angleterre de Paul Gascoigne, le clin d’œil est beau.
Après s’être qualifiée pour l’Euro, la sélection de Steve Clarke avait l’occasion d’accéder à la Ligue A de la Ligue des Nations. Avec 4 points d’avance à 2 matchs du terme de la compétition, le plus dur semblait être fait. Mais les deux derniers matchs se sont soldés par deux revers face à la Slovaquie, pourtant dernière de la poule, et Israël qu’avaient pourtant dominé Tierney and co quelques semaines auparavant. Conclusion, Ryan Christie et ses coéquipiers restent en Ligue B. « Ces quelques jours résument si bien la sélection écossaise. Ils sont capables de faire des exploits ponctuels. Mais trop souvent, ils sont incapables de gagner les matchs qui comptent face à des équipes d’un niveau équivalent. » explique Scottish Football Fr.
Au pays du chardon, la graine du succès est plantée.