C’est une maxime qui revient traditionnellement dans le monde du cyclisme, au moment du départ du Critérium du Dauphiné : « Il s’agit de la préparation parfaite pour le Tour de France ». À deux semaines et demi du départ de la Grande Boucle, Primoz Roglic, Egan Bernal ou encore Thibaut Pinot chercheront à affiner leur préparation en vue du grand rendez-vous de septembre. Mais une bonne performance sur le Dauphiné garantit-elle un succès sur le Tour ? Analyse en chiffres.
Le Dauphiné, pas forcément une garantie pour le Tour
Le Critérium du Dauphiné a vu le jour en 1947, ce qui donne donc 71 éditions jusqu’à présent. Sur ces 71 éditions, 13 vainqueurs ont fait le doublé Dauphiné-Tour de France. Mention spéciale à l’équipe Sky qui a fait de ce doublé une de ses spécialités ces dernières saisons. En effet, Bradley Wiggins l’a fait en 2012, Chris Froome a fait le doublé à trois reprises (2013, 2015 et 2016). Enfin, Geraint Thomas avait remporté le Critérium du Dauphiné en 2018, quelques semaines avant de parader en jaune sur les Champs-Elysées. Au total, près de 20 % des vainqueurs du Dauphiné ont remporté la Grande Boucle par la suite. Le déclassement de Lance Armstrong fait baisser ce pourcentage, l’Américain ayant fait le doublé à 2 reprises.

Toutefois, remporter le Dauphiné n’est en aucun cas une garantie de performance sur la Grande Boucle. Nello Lauredi a remporté le Dauphiné à 3 reprises, et Alejandro Valverde et Christophe Moreau à 2 reprises. Le deuxième a remporté le Dauphiné à deux reprises (2008 et 2009). Pourtant, quelques semaines plus tard, l’Espagnol n’a pas réalisé des perfs’ remarquables sur le Tour. En 2008, l’Espagnol de la Caisse d’Épargne avait terminé la Grande Boucle à la 8ème place. Un résultat moyen pour le Valverde de l’époque. Il faut tout de même nuancer puisqu’il avait par la suite remporté la Clasica San Sebastian avant de finir 5ème de la Vuelta, concluant une des meilleures saisons de sa carrière.
Depuis 2009, un tiers du Top 5 du Dauphiné n’a pas vu les Champs-Elysées quelques semaines plus tard
De son côté, Christophe Moreau a lui aussi remporté deux fois le Dauphiné, en 2001 et 2007. Cela ne lui a jamais permis de remporter la Grande Boucle : « J’ai souvent brillé sur le Dauphiné, j’avais besoin de me rassurer avant le Tour. Mais, je manquais un poil de fraîcheur en juillet. » La meilleur performance du Français sur le Tour est une quatrième place en 2000. L’ex-coureur de la Festina avait terminé sixième du Dauphiné auparavant.
Le tableau ci-dessous présente la forte ambivalence entre les résultats sur le Tour et sur le Dauphiné. Depuis 2009, un tiers du Top 5 du Dauphiné n’a pas vu les Champs-Elysées quelques semaines plus tard (24 % ont abandonné et 8 % n’ont pas pris le départ). À l’inverse, 44 % du Top 5 du Dauphiné a terminé dans les dix premiers du Tour de la même année.
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*Alberto Contador et Mikel Astarloza ont par la suite été déclassés pour dopage.
L’alternative suisse
La pandémie de coronavirus a fait de cette saison une saison très particulière, causant l’annulation de nombreuses courses. Une des victimes du Covid-19 se nomme le Tour de Suisse. La course suisse avait lieu habituellement en même temps que le Critérium du Dauphiné et offrait un parcours plus intéressant que l’épreuve française avec deux contre-la-montre et des successions de cols limitant les courses de côte. Le Tour de Suisse est donc sur le papier une course de préparation très intéressante en vue du Tour.
Mais, dans les faits, très peu de coureurs ont remporté le Tour après s’être imposé en Suisse. En 83 éditions, seuls 4 vainqueurs ont ramené le maillot jaune chez eux par la suite : Eddy Merckx en 1974, Lance Armstrong en 2001 (avant d’être déclassé), Andy Schleck en 2010 (après le déclassement de Contador) et Egan Bernal la saison dernière. Malgré un parcours alléchant, le Tour de Suisse souffre chaque saison de la notoriété du Critérium du Dauphiné. L’épreuve française sait attirer les grands favoris du Tour. Ce sera encore le cas cette saison avec la présence d’Egan Bernal, Primoz Roglic, Tom Dumoulin et Thibaut Pinot. Avec l’annulation de l’épreuve helvète et du report du Giro en octobre, le Dauphiné fait l’unanimité chez les prétendants à la victoire finale sur le Tour.

Crédit photo : @News
Un duel Ineos-Jumbo Visma
Le Tour de l’Ain a offert un petit aperçu de la forme des prétendants à la victoire finale sur le Tour. Et une formation a fait forte impression, il s’agit de la Jumbo-Visma. Avec Primoz Roglic, Tom Dumoulin, Steven Kruijswijk, la formation néerlandaise a pris l’ascendant psychologique sur Ineos. Les hommes en jaune sont capables d’offrir une réelle opposition face à la formation britannique qui comptera principalement sur Egan Bernal. La pépite colombienne a été battu à deux reprises par Primoz Roglic sur le Tour de l’Ain. Mais, pas de panique pour le vainqueur sortant du Tour : « Celui qui est en forme maintenant ne le sera pas forcément dans trois semaines ». Ce dernier peut aussi s’appuyer sur une équipe solide avec notamment Geraint Thomas, Michal Kwiatkowski, Pavel Sivakov et Chris Froome. Néanmoins, ces derniers offrent beaucoup moins de garanties que les saisons précédentes.
Pour arbitrer ce duel, Thibaut Pinot sera particulièrement scruté. Ce dernier semblait en jambes sur la Route d’Occitanie et cherchera à se jauger face à ses futurs rivaux sur la Grande Boucle. Mais à l’inverse de ces derniers, le Français ne pourra pas s’appuyer sur une équipe aussi forte. Son lieutenant David Gaudu est forfait et aucun de ses coéquipiers ne semble capable de jouer un rôle déterminant quand la pente s’élèvera. Il faudra aussi suivre Nairo Quintana, Romain Bardet, Dan Martin ou encore Julian Alaphilippe. En bref, un plateau de luxe qui vient achever la préparation pour le Tour. Mais, à l’issue du Dauphiné, aucune leçon pour la Grande Boucle ne pourra être tirée, l’Histoire l’a montrée.