Chaque jour qui passe nous rapproche de son retour. Le 30 juillet prochain la NBA reprendra ses droits. Les équipes concernées sont enfin de retour à l’entraînement. Après une si longue pause, il y a tout de même de quoi être dubitatif. On a tellement peur que cette fin de saison ne soit pas à la hauteur de nos attentes. Pour nous éclairer, qui de mieux qu’un basketteur évoluant aux USA ? Rencontre avec Yves Pons.
Yves est un jeune français passé par l’INSEP et qui fait depuis 2017 le bonheur des Tennessee Volunteers. Âgé de 21 ans, il a récemment déclaré sa candidature à la Draft 2020. Alors forcément, la pandémie de Covid-19 est venue mettre du plomb dans l’aile de celui qui ne demandait qu’à prendre son envol. Il a accepté de répondre à nos questions pour nous donner son avis sur la reprise et sur la NBA, ainsi que quelques précisions sur la Draft à venir.
Les Olympistes : Quel est ton avis concernant la reprise de la NBA ?
Yves Pons : Il y a du bon et du mauvais. Le côté positif c’est que la saison s’était arrêtée de manière très brusque. Ils ont réussi à trouver un moyen pour refaire des matchs et les playoffs et c’est une bonne étape. C’est aussi une bonne chose pour la draft, qui me concerne directement. Finir la saison permettra de définir le classement. C’était vraiment important de faire cela pour les gens qui sont dans ma position car la draft aura lieu juste après les playoffs.
De l’autre côté on sait que le Coronavirus est encore très présent aux États-Unis. Il s’agit de l’un des seuls pays encore en hausse. La pandémie n’est pas très bien gérée. Il y a encore des cas déplorés, des joueurs testés positifs. La plupart non, mais il y a encore un haut risque de contagion. Il aurait fallu attendre que ce soit complètement terminé ou au moins en baisse pour ne pas reprendre dans un cadre à risques.
LO : Es-tu en contact avec des joueurs NBA qui ont pu te donner leur ressenti ?
YP : Oui, je suis en contact avec des joueurs. La plupart ne sont pas dans les vingt-deux équipes qui vont à Orlando. Ils ne sont pas vraiment concernés. Autrement, ce qui revient le plus souvent c’est le haut risque de blessure. Tu ne t’arrêtes jamais trois mois ! Ce risque est donc vraiment présent. Surtout que la reprise est vraiment quelque chose d’intense. Certains ont peur de jouer à cause de cela.
LO : Un mois de préparation c’est suffisant pour se remettre en forme ?
YP : Je pense que ça va être court. Si tu n’as pas entretenu ton corps c’est vachement dur de revenir. Il faut aussi se remettre niveau intensité… D’un autre côté la pause a pu permettre à pas mal de joueurs de se reposer. Une saison NBA c’est 82 matchs donc c’est super éprouvant. La majorité des joueurs s’est quand même entretenue pendant la pause. Mais c’est sûr que quand tu n’as pas pu t’entraîner et faire de matchs depuis autant de temps c’est compliqué. Il y a quand même un gros risque avec cette reprise.
LO : Tu penses que les dirigeants de la NBA ont voulu finir la saison uniquement pour l’argent ?
YP : Il y a des chances. La première raison c’est sûrement l’aspect financier. La ligue a perdu beaucoup d’argent avec cette coupure. Mais en reprenant, cela peut redonner un peu de joie aux américains, avec ce qu’il se passe en ce moment aux USA. Donner du soutien aussi. La NBA et les joueurs sont très impliqués dans le social donc ça peut faire du bien.
LO : Comment cela s’est-il passé pour la NCAA (championnat universitaire dans lequel évolue Yves) ? Vous êtes de retour à l’entraînement ?
YP : La saison a été stoppée en mars. On est tous rentrés chez nous. Soit sur le campus à l’université, soit en Europe pour certains. Donc pas de March Madness, pas de champion cette année. Pendant trois mois on n’a pas eu d’entraînements, pas d’accès aux salles. Aujourd’hui, on a repris de façon individuelle. Travail avec les machines, personne pour prendre les rebonds… C’est progressif pour le moment mais c’est déjà une bonne chose.
LO : La prochaine étape c’est donc la draft ?
YP : Pas vraiment la prochaine étape puisque on est déjà dans le processus. C’est pas facile car on manque beaucoup d’informations et on n’est pas sur un processus normal. On s’entretient avec des équipes et on a des retours mais souvent incomplets. Les workouts qui devaient commencer en avril n’auront pas forcément lieu. Personne n’a pu en faire aucun. Il y aura peut-être une Draft Combine (sorte de vitrine pour les candidats où ils réalisent des tests physiques, athlétiques, jouent en 5vs5, s’entretiennent avec les équipes… ndlr), ce qui serait vraiment cool. Mais pour le moment on attend des informations.
LO : Tu réalisais ta meilleure saison avant le break, ce qui t’as un peu coupé dans ton élan. Est-ce que ça modifie tes chances pour la draft ? Tu n’es pas inquiet ?
YP : Je ne dirais pas inquiet. C’est sûr que cela ne s’est pas passé comme je l’aurai voulu. On est beaucoup dans ma situation donc on s’adapte. Mais il faut se tenir prêt. Si ils annoncent des workouts je le serai. Pour les mecs comme moi qui sommes annoncés au second tour, les workouts c’est vraiment important pour montrer ce qu’on vaut et gagner des places. J’aurai peut-être pu accrocher un premier tour en temps normal. Sans vouloir être pessimiste, la situation fait que je serai plutôt sélectionné au deuxième tour. Je pense quand même avoir toutes mes chances.
LO : Quelle équipe te conviendrait le mieux si tu es drafté ?
YP : Les équipes jeunes et en construction pourraient me donner plus de temps de jeu. Mais étant donné le type de joueur que je suis, je pense pouvoir m’intégrer dans le système de n’importe quelle équipe. Je suis quelqu’un qui va faire le sale boulot et me donner à 100% sur le plan défensif. (Yves a été élu meilleur joueur défensif de sa conférence cette année, ndlr.) Des joueurs de mon profil c’est des joueurs qui s’intègrent un peu partout. Les équipes cherchent ce genre de profil. Donc je n’ai pas d’équipe favorite !
Crédits : Twitter @Vol_Hoops
LO : T’en penses quoi des français qui vont se présenter à la draft cette année ? Notamment Killian Hayes et Théo Maledon.
YP : Oui ce sont deux très bons meneurs avec des gros potentiels. Je ne les connais pas personnellement, sauf Théo que j’ai connu un an à l’INSEP. C’est un très bon joueur, avec un très bon QI basket. Killian Hayes, je ne le connais pas vraiment. Je ne l’ai jamais vu jouer et je n’ai jamais joué avec. Après il ne faut pas oublier Killian Tillie, peut-être Joël Ayayi et d’autres encore. Il y a beaucoup de français qui se présentent et ça fait plaisir.
LO : Tu as un avantage de déjà évoluer aux États-Unis au moment de la draft ? Pourquoi avoir fait ce choix de partir si jeune ?
YP : J’ai fait ce choix pour continuer mes études. Après l’INSEP j’avais la possibilité de passer en pro et signer un contrat. Je ne pouvais pas poursuivre mes études en même temps. Aux USA c’était possible de jouer au basket tout en ayant un diplôme à la fin. Aujourd’hui l’avantage que j’ai c’est que je suis déjà adapté à la culture américaine. Je suis un peu comme chez moi ici et je n’aurais pas ce temps d’adaptation. Après jouer en NBA ne dépend pas que de ça. Tous les chemins mènent à la NBA si tu es bon et vraiment persévérant.
LO : Y a-t-il toujours une différence de traitement entre les américains et les européens au moment de la draft ?
YP : Non, ça a bien évolué et la NBA se tourne de plus en plus vers l’Europe. L’Europe s’améliore aussi au niveau médiatique pour donner plus d’exposition aux joueurs. Après je ne sais pas si on peut parler de différence de traitement, mais les équipes donnent plus de valeur aux américains comme ils les connaissent davantage. Luka Dončić était pour moi le meilleur joueur de la draft en 2018. Il aurait du être choisi en premier mais le fait qu’il arrive d’Europe a sûrement influencé. Aujourd’hui il joue déjà comme un vétéran.
Gros dunks ou contres monstrueux, petit florilège de Yves sur un terrain de basket.
LO : Avec Antetokounmpo ou Dončić, le meilleur joueur du monde est-il européen ?
YP : Non. Actuellement le meilleur joueur du monde c’est LeBron James ! »
Pouvoir côtoyer le King sur les parquets de NBA la saison prochaine ? C’est tout le mal qu’on souhaite à Yves Pons. En espérant que notre Frenchy ait la possibilité de montrer une dernière fois ce qu’il vaut, pour les rares personnes qui ne l’auraient pas déjà vu. Rendez-vous le vendredi 16 octobre pour une draft aux accents très français.