Entre son premier Vendée Globe en 2016 où il finit douzième, et le record de la traversée de l’Atlantique Nord à la voile (sur un monocoque) en solitaire, Alan Roura, skipper suisse de 27 ans, a déjà un palmarès bien fourni que nombreux envient. Marin au grand cœur, le matelot suisse, vise encore plus haut puisqu’il sera en novembre prochain sur la ligne de départ du prochain Vendée Globe. Ainsi, le temps d’une interview, Alan Roura nous a fait le plaisir de répondre à nos questions.
En 2016, vous participez pour la première fois au Vendée Globe, à seulement 23 ans, ce qui fait de vous le plus jeune participant de l’histoire du Vendée. Pourquoi se lancer à 23 ans dans une telle aventure ?
Depuis toujours, je rêvais de faire le Vendée Globe. Depuis ma première Mini-Transat, mon premier objectif était déjà de participer au Vendée Globe. Et à l’issue de la Transat Jacques Vabre en 2015, j’avais déjà un bateau en tête pour le Vendée Globe mais pas le budget. En fait, le propriétaire du bateau me dit : « Écoute Alan, le bateau tu l’as gratuit, je te le laisse pour faire le Vendée », mais je devais encore trouver le reste du budget. Finalement je trouve le budget et j’arrive à participer au Vendée Globe.
Quand on part pour la première fois pour ce genre d’aventure, quelles sont les émotions avant le départ de la course ? De l’excitation, de la peur, de l’appréhension ?
Il y a tout ça mélangé ! Quand on part sur le Vendée Globe, on sait quand on part mais on ne sait pas vraiment quand on va revenir et surtout si on va revenir. Car c’est une course longue, dure, en solitaire donc tout peut arriver. Quand on dit au-revoir à ses proches, c’est vraiment un au-revoir. Il y a cette boule au ventre de « je ne sais pas si je vais rentrer vivant de cette aventure ». Mais en même temps, dès qu’on est sur la ligne de départ, on est en mode « course » et on oublie un peu ce mauvais passage.

Le jour du départ, tout le monde se souvient de votre descente du chenal, avec votre « tenue de capitaine » et vos larmes. Est-ce que c’est un moment qui restera à jamais gravé dans votre mémoire ?
Ouais, c’est vraiment un moment à vivre. De toutes les courses auxquelles j’ai pu participer, le départ du Vendée Globe, c’est l’événement le plus magique qu’un marin puisse vivre. Le plus stressant aussi mais ça restera un de mes meilleurs souvenirs de départ.
Est-ce que les premiers jours de course sont difficiles, quand on passe d’un bain de foule le jour du départ à la solitude quelques jours plus tard ?
Finalement, le départ est plus facile dans le sens où on sait qu’on va être tout seul. On est préparé pour ça. En fait, le plus dur c’est l’arrivée parce qu’on se retrouve à être tout seul pendant des mois, à une foule de personnes. Du coup, dans la tête, c’est plus difficile de se dire : « ah ouais, mais là je vais revoir du monde. Et, est-ce que j’ai vraiment envie de revoir du monde ? ». On s’habitue à cette solitude en fait.
Lors de la traversée de l’Atlantique Nord, vous occupez les dernières places de la course, est-ce que moralement c’était difficile à vivre ?
L’idée c’était faire le tour du monde et boucler le Vendée Globe. La classement au début je n’y pensais pas, je ne me posais en fait pas trop de questions sur le classement. Par contre, dans le grand Sud, quand j’ai commencé à jouer avec les autres, je me suis dit qu’il fallait quand même tout tenter.
Le 24 décembre, chose improbable, vous croisez Eric Bellion en plein Pacifique, est-ce que c’est un moment que vous retiendrez aussi de votre Vendée Globe ?
Ah oui, c’est sûr ! Aujourd’hui, j’ai un lien avec Éric (Bellion) différent qu’avec d’autres skippers car on a vécut un Noël assez intense. Et c’était pile au milieu du tour du monde, ça faisait 50 jours qu’on était en mer, on se retrouve l’un à côté de l’autre. C’était un moment inoubliable et ça restera le plus beau Noël de toute ma vie !
Pour la nouvelle année 2017, votre safran a été cassé. Comment avez-vous réagi à cette avarie ? Est-ce difficile de garder son calme quand on est en pleine mer pour faire face à ce genre d’imprévu ?
Dans tous les cas, dès qu’on est sur l’eau, peu importe les conditions c’est difficile. Là, les conditions étaient extrêmes, il y avait beaucoup de vent, beaucoup de mer. L’adrénaline, la peur, l’envie de sauver le bateau ont fait que tous ça ensemble, je ne me suis pas trop posé de questions et je suis allé réparer ce safran. Pareil, ça a été un nouvel an dont je me rappellerai toute ma vie ! (rires)
Mi-janvier, vous franchissez le mythique Cap Horn et vous avez eu la chance de le voir, ce qui n’est pas donné à tout le monde. À ce moment-là, on pense à quoi ?
On se dit en soit que c’est fini, ça y est c’est la fin du Vendée Globe, il n’y a plus qu’à remonter l’Atlantique. En fait, ce n’était pas vraiment le cas derrière. Ça a été très difficile, les conditions météo n’étaient vraiment pas très agréables. Mais, le Cap Horn c’est un moment où quand on vient de se faire les trois quarts d’un tour du monde en solitaire, et qu’on voit ce fameux rocher, c’est inoubliable. On se rend compte du chemin parcouru. Et on a encore plus les crocs pour finir ce merveilleux tour du monde.

Quand on vit une course exceptionnelle comme celle-ci, est-ce qu’on a vraiment envie de rentrer ? En fin de compte, est-ce qu’on souhaite que l’aventure se prolonge ?
On a envie que l’aventure se prolonge pour plusieurs raisons. En fait, je pense que cela dépend des projets. Par exemple, pour moi, à l’arrivée du Vendée Globe, je repartais de zéro. Je rendais le bateau, l’équipe retournait travailler ailleurs. On recommençait notre vie d’avant. Donc, c’était un peu le projet, le rêve d’une vie qui se terminait. Et, du coup, cette inconnue de se dire « je fais quoi demain ? ». J’ai réalisé mes plus grands rêves et là c’est un peu le vide.
Vous arrivez aux Sables d’Olonne, le 20 février 2017 après 105 jours de course. Quand vous franchissez la ligne d’arrivée, est-ce qu’on se dit « ça y est c’est fait ! » ?
Clairement, c’est un peu la libération. C’est le moment où on se dit : « j’ai fais le tour du monde ! ». La pression retombe rapidement parce que le bateau est arrivé sain et sauf, le bonhomme aussi. Il y aussi la joie de revoir ses proches. De plus, je boucle le tour du monde, je suis classé et je suis pas si mal classé que ça par rapport aux autres. Il y a une joie qui est indescriptible. Dans la vie d’un marin, terminer un Vendée Globe c’est quelque chose de rare et assez monstrueux.
Pour écouter l’interview complète avec Alan Roura c’est ici :
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