Cyclisme

Le jour où Lance Armstrong a montré qu’il était le Boss

Tricheur pour certains, idole pour d’autres, Lance Armstrong aura sans aucun doute marqué l’histoire du cyclisme, et particulièrement du Tour de France. Septuple vainqueur, avant d’être déclassé, l’Américain aura marqué d’une empreinte indélébile les premiers Tour de France du 21ème siècle. S’il a semblé dominer d’une main de maître l’ensemble de ses succès, une de ses victoires fait sûrement exception à la règle. Flashback en 2003, une époque où Jean-Patrick Nazon brillait encore…

Un Tour historique

Nous sommes en 2003 et le Tour de France fête ses 100 ans. Pour l’occasion, les coureurs prennent le départ de Saint-Denis-Montgeron, au sud-est de Paris, là où leurs prédécesseurs ont commencé à écrire la grande histoire du Tour un siècle auparavant. Cette édition historique peut le devenir encore plus. Avec quatre Tour de France à son palmarès, Armstrong n’est plus qu’à une unité du record de Tour de France, co-détenu par Jacques Anquetil, Eddy Merckx, Bernard Hinault et Miguel Indurain.

C’est devant le café Au Réveil Matin que les coureurs du Tour 1903 avaient pris le départ de la première édition. Un beau clin d’œil des organisateurs, un siècle plus tard.
Crédit photo : LP/Delphine Goldsztejn

Après avoir vaincu un cancer des testicules, Lance Armstrong a réalisé un come-back, et quel come-back ! Quatrème de la Vuelta et quatrième des Championnats du Monde dès son retour en 1998, le Texan montre qu’il faudra compter sur lui. Alors qu’il avait brillé sur les Classiques avant son cancer (vainqueur de la Clasica San Sebastian en 1995 et de la Flèche Wallonne en 1996), le coureur de l’US Postal vise désormais les Grands Tours. Il s’aligne sur le Tour de France 1999 avec comme « seul objectif, une victoire d’étape ». L’Américain va faire bien mieux puisqu’il va remporter la Grande Boucle avec près de 8 minutes d’avance. La suite vous la connaissez, l’Américain va régner sur le Tour de France, remportant les éditions suivantes, jusqu’à cette fameuse année 2003…

La suprématie remise en question

Grand favori de cette 90ème édition, c’est toujours au sein de l’armada de l’US Postal que le Texan prend le départ. Avec ses compatriotes Floyd Landis et George Hincapie ou les Espagnols José Rubiera, Manuel Beltran ainsi que le vainqueur de la Vuelta Roberto Heras, Armstrong est très bien entouré. La première semaine du Tour se passe sans grande encombre pour l’ensemble des favoris.

Lance Armstrong au côté de son coéquipier Floyd Landis
Crédit photo : Paolo Coccco/AFP

La 8ème étape entre Sallanches et l’Alpe d’Huez marque le début des choses sérieuses. Durant cette dernière ascension, le coureur de l’US Postal est esseulé par les attaques des Espagnols Iban Mayo et Josebo Beloki. Finalement, l’Américain s’empare tout de même du maillot jaune et seuls le Kazakh Alexandre Vinokourov et Iban Mayo parviennent à prendre du temps au coureur de l’US Postal. Mais, tout le monde l’a vu, le Boss semble moins impérial qu’avant, et le battre devient maintenant chose possible.

Le lendemain, dans la descente menant les coureurs à Gap, le Texan va écrire une nouvelle page de son histoire sur la Grande Boucle. Cette fois-ci, pas d’attaques, ni de fringale, mais une image historique :

 

Joseba Beloki abandonnera à la suite de cette chute, un adversaire de moins pour Lance. Mais ses autres concurrents sont de très grande qualité. Et à la différence des précédentes éditions, ils seront à sa hauteur. En effet, trois jours plus tard, lors d’un contre-la-montre de 47 kilomètres menant les coureurs à Cap Découverte, Jan Ullrich va frapper un grand coup. L’Allemand va reléguer le tenant du titre à plus d’1min30. A l’heure d’attaquer les Pyrénées, le Ricain n’a toujours pas fait le break. Maillot jaune certes, mais il a montré de nombreux signes de faiblesse et son avance n’est pas importante.

Dès la première étape pyrénéenne arrivant à Ax 3 Domaines, Armstrong est dans le dur, incapable de suivre Haimar Zubeldia et Ullrich qui vont lui reprendre de précieuses secondes. Ce dernier semble en mesure de battre l’Américain pour la première fois depuis quatre ans.

Le classement général au terme de la 13ème étape.
Crédit : ProCyclingStats

Une victoire légendaire

Mais l’Américain n’est pas surnommé « Le Boss » par hasard et il va le montrer lors de la 15ème étape. Le parcours de cette étape est assez classique, avec le tryptique Aspin-Tourmalet-Luz Ardiden. Dans l’échappée, un jeune Français de 24 ans, Sylvain Chavanel, ouvre la route en solitaire. Et dès le Tourmalet, le combat entre les cadors est lancé. Dans un premier temps, c’est un quatuor composé de Carlos Sastre, Christophe Moreau, Juan Mercado et surtout Iban Mayo qui se détache. L’Espagnol, qui s’est imposé à l’Alpe d’Huez, est en grande forme et se montre très offensif sur cette Grande Boucle. Cela inspire Jan Ullrich. Le vainqueur du Tour 1997 attaque dans le Tourmalet à plus de 50 kilomètres. Armstrong le suit et le duo revient sur Iban Mayo. Malgré une bonne entente entre ces trois là, leurs concurrents vont revenir dans la descente du Tourmalet.

De droite à gauche : Jan Ullrich, Lance Armstrong, Iban Mayo et Haimar Zubeldia.

On retrouve donc au pied de la dernière ascension un groupe de costauds composé entre autre d’Alexandre Vinokourov, Iban Mayo, Jan Ullrich, Lance Armstrong, Christophe Moreau ou encore Haimar Zubeldia. Cette dernière ascension de Luz Ardiden présente un pourcentage moyen de 7 %, suffisant pour faire mal à un Lance Armstrong pas si impérial que ça. Cela donne des idées au très offensif Iban Mayo qui attaque, suivi par le maillot jaune et Jan Ullrich. Les trois s’isolent à l’avant. L’Américain roule pour distancer ses autres concurrents. Mais, ce Tour de France n’est décidément pas comme les autres et va de nouveau basculer dans l’irrationnel. Le Texan accroche la casquette d’un spectateur et chute, emmenant au sol Iban Mayo.

Armstrong au sol, tout un symbole…
Crédit : Belga Image

L’image est symbolique. Le roi Lance est au sol, fait rarissime, alors que Jan Ullrich évite la chute de justesse. L’Américain se relève et doit faire un gros effort, aidé par son coéquipier Manuel Beltran et José Rubiera. Durant ce retour sur un groupe où les favoris sont ensemble, le coureur texan va de nouveau se faire peur, en déchaussant et évitant de justesse une seconde chute. Devant, Tyler Hamilton fait preuve de fair-play et demande aux cadors du Tour d’attendre « Le Boss ». Personne ne souhaite battre le quadruple tenant du titre sur de telles circonstances.

A peine revenu, l’infatigable Iban Mayo attaque de nouveau. Armstrong est le seul à suivre et contre l’Espagnol une cinquantaine de mètres plus loin. Cette fois, Mayo ne peut pas suivre et l’Américain s’envole à la poursuite de Sylvain Chavanel, toujours seul en tête. Dans son style caractéristique, souvent en danseuse, le regard au loin et le coup de pédale déterminé, la fusée texane a décollé et derrière, on ne peut que constater les dégâts : Alexandre Vinokourov explose, Ullrich et Mayo pointent à près d’une minute.

Crédit photo : CyclingTips

Armstrong vient de montrer qu’il était un grand champion, capable de briller alors que tout le monde l’enterrait déjà. Il va revenir sur Chavanel et lui mettre une petite tape amicale, histoire de montrer que le Boss est de retour. Un geste humiliant pour certains, classe pour d’autres, preuve encore que le coureur de l’US Postal divise les fans de cyclisme.

Le Français aura passé toute la journée en tête, avant de voir revenir le maillot jaune à moins de 5 kilomètres de l’arrivée
Crédit photo : CyclingTips

Lors du Tour 2003, la suprématie de Lance aura été fortement remise en question. Incapable de suivre Jan Ullrich dans les Alpes et sur le contre-la-montre, deux grosses frayeurs dans la montée de Luz-Ardiden, ce ne fut pas suffisant pour renverser le Boss, qui remporte un cinquième Tour consécutif. Il en remportera deux autres par la suite. Mais en 2012, l’Union Cycliste Internationale lui retire ses titres suite à une enquête de l’Agence Anti-dopage Américaine. Pour les plus fanatiques, cela ne change rien et Lance Armstrong est une légende de la petite reine. Pour d’autres, il est le plus grand tricheur de l’histoire du sport. Mais une chose est sûre, l’Américain ne laisse personne indifférent.

Si vous souhaitez revivre cette ascension mythique commentée par Christian Prudhomme, cliquez ici.

Crédit photo : Getty Images/Lars Ronbog
Matthieu Heyman

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