Football

Interview : rencontre au sommet de la Bundesliga

Depuis quelques années, de jeunes entraîneurs viennent remplacer progressivement les icônes du football mondial. Sous l’impulsion, de Julian Nagelsmann, une vague de techniciens français a débarqué l’an passé en Bundesliga. Si l’aventure ne s’est pas très bien terminée pour certains, d’autres font le bonheur des supporters allemands. Avant tout amis, ces coachs sont devenus rivaux. Retrouvailles lors d’une interview croisée au sommet de la Buli avec Arthur Picard (Leipzig), Axel Daillet (Bayern Munich) et Théo Wargnier (Dortmund).

Qu’est-ce que cela fait de se retrouver aussi haut, aussi jeune, le tout en tant que coach ?

Axel Daillet C’est un honneur mais avant tout une chance. On se doit de répondre aux attentes vis-à-vis des supporters. Après, l’âge, c’est pas toujours facile à gérer. Par exemple, je sais que Coach Picard, à 17 ans et sans permis, c’était Gulacsi qui l’amenait à l’entrainement.

Arthur Picard: Vous savez, tout va parfois très vite. J’ai commencé ma carrière de coach à seulement 17 ans. Je ne m’attendais pas à être embauché aussi tôt dans un tel club, mais je savais comment faire pour gérer la pression.

Théo Wargnier:  Personnellement pas grand-chose à vrai dire. De nombreux joueurs se retrouvent sous le feu des projecteurs dès leur plus jeune âge et ils se débrouillent. L’important c’est avant tout de rester concentré sur son rôle et sur ses objectifs.

Le gratin de la bundesliga / Crédit Photo : Tag Wheirnor

Vous étiez accompagnés de Louis Mathieu et de Jules Bourgat lors de votre arrivée en Bundesliga. Quel avis portez-vous sur les malheurs qui leur sont arrivés récemment ? En particulier ceux de Louis Mathieu ? 

TW: C’est ce qui arrive lorsque vous êtes naïfs sur le métier d’entraîneur. Si vous n’êtes pas sérieux, c’est que vous n’avez pas les épaules pour entraîner. Mathieu a su rebondir après son licenciement, tant mieux pour lui, même s’il doit apprendre à gérer un mercato. Bourgat ? Il a préféré la belle vie à Tahiti, pas sûr qu’on le revoie de sitôt.

AD : Malheureusement, ce n’est pas donné à tout le monde d’être au niveau. Jules Bourgat, il a eu des soucis, le décalage avec sa culture tahitienne n’était pas évident. Pour coach Mathieu je ne le comprends pas toujours. Sa recrue phare de l’été, Pierre-Yves Polomat, je ne suis pas fan.

AP : Ces coachs sont mes amis, on ne se réjouit jamais lorsque ceux-ci vont un peu moins bien. Bourgat venait souvent voir les matchs de mon équipe au stade, malheureusement ses performances avec Leverkusen n’ont pas suivi et il me regarde aujourd’hui depuis Tahiti. Quant à Coach Mathieu, il a su rebondir très vite. Ses dirigeants ont réalisé une erreur en le virant de Gladbach et je trouve cela très courageux de sa part de revenir sur sa décision de prendre sa retraite pour revenir au club, notamment avec Briançon dans ses valises.

La lutte pour le titre fait rage à 14 matchs de la fin, qui selon vous est le mieux armé ?

TW : Nous.

AD : Honnêtement, pour moi cela ne fait aucun doute. Coach Wargnier s’est déjà écroulé l’an dernier malgré 11pts d’avance. Je n’ai pas peur de Leipzig. Le Bayern sera champion.

AP : Je ne vais pas me prononcer là-dessus, surtout quand je sais que mes compères peuvent réagir au quart de tour. Je tiens simplement à dire qu’une telle lutte ne peut être que positive pour nos clubs, on se tire vers le haut les uns les autres.

Le suspens est à son paroxysme peu après la mi-saison / Crédit : Bundesligstat

Comment expliquer vos méformes actuelles coach Wargnier et coach Daillet ? Au contraire, comment se fait-il que Leipzig soit si performant par rapport au reste à ce stade de la saison ?

AD : Dans une saison, il y a toujours des moments de doutes. On a commencé très fort et là on ralentit un peu. Il faut vite se relancer. Ce bougre de Coach Picard en a profité pour combler l’écart.

TW: On a connu nos 2 premières défaites lors des 18ème et 19ème journées. Cela devait arriver. Force est de constater que les joueurs ont su faire bloc pour se relancer. Leipzig confirme sa bonne forme de son côté.

AP: Je suis agréablement surpris des performances collectives de mon équipe cette saison, on ne vise pas immédiatement le haut du classement. Leipzig est un club jeune qui est encore en construction. Mais venir titiller les plus grands dès aujourd’hui peut venir forger notre force pour les saisons à venir.

Pensez-vous que Coach Wargnier a une chance de conserver son avance quand on connaît la triste fin de saison de son équipe l’an passé ? Comment se relever de ce genre de déception coach ?

TW: Il faut repartir au combat avec des soldats prêts à mourir sur le terrain. On analyse le bon comme le mauvais et on apprend de ses erreurs.

L’an passé Dortmund avait 9 points d’avance à 10 journées de la fin / Crédit : Bundesligstat

AD : C’est le plus dur dans notre métier. Savoir se relever et rester fort, notamment face aux joueurs. Si on s’écroule devant eux, alors c’est fini. Pour coach Wargnier, je sais qu’il a beaucoup de soutien de la part de ses proches, notamment sa maman. Il est mieux armé cette saison et jouera le titre jusqu’au bout.

AP: On connaît la malchance de Dortmund dans les sprints finaux. Coach Wargnier n’est pas parvenu à conserver son avance de 11 points l’an passé, mais il semble revenu plus fort cette année et ce sera à nous de tenter de le faire chuter.

Comment vos passés de joueurs vous permettent t-ils d’imposer vos styles de jeu ?

AP: On essaye de reproduire ce que l’on a appris dans le passé, notre philosophie de joueur se retrouve un peu dans nos plans de jeu. Il faut dire que j’ai été formé à la bonne école, au Racing Club de France de Colombes. Ma soixantaine de sélections en équipe de France m’a aussi grandement aidé dans cet apprentissage tactique.

TW: De mon côté, j’ai toujours joué un jeu alléchant au FC Dombasle, ce qui m’a d’ailleurs permis de toucher plusieurs fois à l’Equipe de France. Les joueurs ont envie d’apprendre de mes expériences et je suis ravi de la leur partager.

AD : Quand t’as connu l’intimité d’un vestiaire, tu sais comment parler aux joueurs. Tu as été à leur place, tu as une idée de quels messages passent ou non. Lors de mon passage au FC L1, où Coach Wargnier a débuté sur les bancs, j’ai beaucoup appris. Pour être honnête, je me suis même un peu inspiré de lui.

Quels rapports entretenez-vous avec vos joueurs alors même que ceux si sont parfois plus vieux que vous ?

AD : Ce n’est pas un problème. Cela peut même être bénéfique. On se comprend mieux et cela me permet de voir qui est sérieux ou non lorsque l’on sort en boîte (rires).

AP: Il faut savoir se faire respecter. J’ai grandi en banlieue parisienne, ça forge un bonhomme et ça vous apporte un certain mental. Étant relativement jeune, les joueurs me prennent parfois pour leur pote et il n’est pas rare qu’on se fasse un FIFA ou des sorties en boite après une victoire. Mais sur la pelouse, c’est moi le boss, les joueurs le savent et me respectent.

TW: On les comprend peut-être plus étant donné que on a quasiment le même âge qu’eux avec des aléas de vie communs. Nous sommes, pour beaucoup, de jeunes pères de famille par exemple. Forcément cela crée du lien.

Comment gérer lorsque vos joueurs paraissent déconnectés, stressés, nerveux, voir même mesurés après certains de vos discours ?

TW: Ce sont dans ces moments qu’il faut leur rappeler qui est le patron. Le tout en restant pédagogue, à l’écoute et cohérent. Nous sommes tous des humains avec des sentiments. Il est important de maintenir un environnement sain dans le vestiaire.

AP: Tout est une question de communication. Comme je vous le disais juste avant, il faut savoir se faire respecter, et si un joueur ne semble pas d’accord ou alors ne m’écoute pas, je dois faire en sorte que cela ne reste pas comme ça. Un bon coup de pied aux fesses ou une petite claque et tout rentre dans l’ordre.

AD : J’ai parfois l’impression qu’on ne parle pas la même langue, c’est d’ailleurs peut-être le problème car je ne parle pas Allemand… Heureusement il y a pas mal de Français dans l’équipe qui assurent plus ou moins la traduction. Mais je soupçonne Nordi Mukiele de dire n’importe quoi à Joshua Kimmich pour prendre sa place.

Quel est votre état d’esprit lors des confrontations directes face à vos collègues francophones ?

AP: Assez détendu. C’est toujours un plaisir d’aller boire une bière avec ses vieux amis quand ceux-ci sont de passage en ville. Un plaisir aussi de pouvoir leur mettre une belle fessée. On se chambre dans notre groupe Messenger parce que ça donne souvent lieu à des matchs incroyables avec beaucoup de spectacle.

AD: On est amis avant tout, on part en vacances ensemble, on se contacte souvent par téléphone. Donc forcément, on veut absolument gagner. On sait que ça va chambrer derrière. Puis lors des mercatos, on s’arrange toujours. Je pense à coach Mathieu, toujours prêt à céder ses pépites à bon prix.

Le match aller a fait des dégâts côté bavarois. Qu’en sera t-il du retour ? / Crédit : Bundesligstat

TW: Bien sûr que ce sont mes amis. Mais une fois sur le terrain, moi tu me parles plus d’amitié. Tu me parles de concurrence, de spectacle, de ce que tu veux, mais tu me parles pas d’amitié. Sur le rectangle vert, mon seul et unique but, c’est de remettre ces lascars à leur place. Je veux gagner, point final.

Merci à Axel Daillet, Arthur Picard et Théo Wargnier.
Crédit Photo : Bundesliga.com

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