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Le jour où… la fanfare olympique improvisa un hymne

7 septembre 2019, la Fédération française de football se foire totalement. L’organisation du match fait jouer un mauvais hymne pour l’équipe albanaise, qui s’indigne face à ce manque de respect. Les ressentis face à cette erreur sont multiples. De l’ironie à l’énervement, la société d’organisation du match a vécu une soirée dramatique. Mais ce n’était pas la première fois qu’un mauvais hymne était joué.

Illustre athlète dans son pays mais totalement inconnu sur la scène internationale, Josy Barthel s’illustre dans l’épreuve du 1 500 mètres en athlétisme. Cet homme, bien que méconnu, reste dans la mémoire du sport international pour une seule et unique raison : sa victoire aux Jeux Olympiques de 1952 se déroulant dans la capitale finlandaise, Helsinki, et de la façon dont le Comité Olympique a traité sa victoire. Mais avant de nous éparpiller, revenons à la base.

Qui es-tu Josy Barthel ?

Qui est Josy Barthel ? En France, seuls les quelques passionnés d’Athlétisme des années 1950 et 1960 doivent le savoir, et encore… Au Luxembourg, c’est tout autre chose. J. Barthel est reconnu comme un des premiers sportifs internationaux du pays et ayant permis au petit pays au drapeau tricolore de briller aux Jeux Olympiques. Vous serez surpris de voir l’attachement du pays pour son athlète national. Pour un sportif, l’une des reconnaissances éternelles d’une carrière est de donner son nom à un stade. Le stade Josy Barthel est le plus grand stade du pays, comptabilisant 9 125 places, et accueillant les matchs de la sélection nationale de football ainsi que du club Racing FC Union Luxembourg.

Josy Barthel Stade
Le petit stade Josy Barthel.
Crédit Photo : Lux24

Mais parlons de la carrière de cet athlète inconnu dans l’Hexagone. De sa jeunesse, on retrouve très peu de choses, hormis qu’il se distingue rapidement comme un coureur d’exception dans son pays, survolant les championnats jeunes. Avant d’entamer sa carrière d’athlète professionnel, il se distingue lors des championnats du monde d’athlétisme militaire. Il remporte pour sa première participation, l’or sur 800 mètres en 1947 à Berlin. Puis lors de sa deuxième participation, cette fois-ci à Bruxelles, il réalise un doublé sur 800 et 1 500 mètres.

Après ses deux exploits, le jeune Josy Barthel – il a alors 21 ans – se qualifie aisément pour ses premiers Jeux Olympiques. Il s’agit de ceux organisés à Londres en 1948, où il est inscrit sur son épreuve phare des 1 500 mètres. Il brille une nouvelle fois lors de la course, finissant à la neuvième position, ce qui était le meilleur résultat pour un sportif luxembourgeois, tout sport confondu. Fort de cette expérience, il s’inscrit deux fois aux championnats mondiaux étudiants, en 1949 et 1951, qu’il remporte assez facilement. Dans le même temps, il remporte, en 1952, son septième titre national d’affilée (il en remportera onze au total de 1946 à 1956).

Les Jeux Olympiques 1952 d’Helsinki

Avec ses performances très intéressantes sur le plan national et international, Josy Barthel arrive à Helsinki pour les Jeux Olympiques de 1952, avec le plein de confiance. Cependant, réitérer des exploits au plus haut niveau n’est pas une tache aisée et un Top 10 serait déjà une sorte d’exploit. Personne n’était prêt pour la suite des événements.

Le titre olympique semble promis à la figure allemande du 1 500 mètres Werner Lueg, détenteur du record du monde, qu’il avait battu un mois pile avant la course des olympiades. De nombreux outsiders sont également présents comme l’Américain Robert McMillen, le Britannique Roger Bannister ou encore le Français Patrick El Mabrouck. Tous espèrent détrôner le champion allemand et ramener l’or dans leur pays. Josy Barthel, dossard 406 au début de la course, est loin, très loin dans les pronostiques. Personne ne l’attend comme favori, ni en outsider. On ne se préoccupe pas du petit luxembourgeois, qui ne semble pas être en mesure de rivaliser avec les cadors de la discipline. Mais ce dernier poursuit son chemin et se qualifie parmi les 25 meilleurs coureurs du monde.

La finale du 1500 mètres

Lorsque le coup de feu retentit, directement les deux compatriotes allemands Lueg et Lamers prennent les devants, suivis de tous les autres coureurs. Au bout de 500 mètres, un trou se forme entre la tête de course, composée des deux Allemands, du Français, du Britannique, de l’Américain et de notre Josy Barthel national. S’en suit un combat intense pendant un tour de piste où les leaders de la course se succèdent et se relaient. Voyant une possibilité de former un écart, Werner Lueg attaque au bout de 1000 mètres et s’échappe. Il n’est suivi que par Barthel, qui s’accroche au rythme imposé par le mastodonte allemand.

Cependant, dans le dernier virage, l’Allemand semble ralentir. Les commentateurs luxembourgeois de l’époque ont sans doute crié, à la manière de Patrick Montel, « Alors peut-être ». Josy dépasse Werner Lueg et accélère puis ne craquera pas. Malgré le retour de Robert McMillen dans les derniers 100 mètres, Josy Barthel est lancé, il dépasse la ligne et lève les bras. Le cliché restera dans la légende.

Josy Barthel, Robert McMillen et Werner Lueg

Josy vient de réaliser le plus grand exploit du sport luxembourgeois. Il vient d’écraser toute concurrence, il vient de prouver aux yeux du monde entier la beauté du sport, où rien n’est joué d’avance, où rien n’est sûr. Par la même occasion il fait tomber le Record Olympique (3min 45sec 1’) et remporte la première médaille olympique pour le Luxembourg et l’unique en or.

La Bourde

Personne n’était préparé à un tel exploit, même pas le coureur lui-même. À cette époque, le temps entre le finish de la course et le podium est très court. Aujourd’hui encore, les coureurs n’ont que quelques heures pour « se faire beau » pour les photos. Si certains semblent plutôt habitués à ces cérémonies, l’instant où les notes de l’hymne national retentissent dans le stade, l’émotion devient poignante. Josy Barthel a-t-il été ému en entendant son hymne ? Une photo pourrait le prouver.

Josy Barthel
Barthel, Lueg et McMillen sur le podium du 1500 mètres 1952
Crédit Photo : Getty Images

Mais ce serait trop facile. L’histoire d’un athlète déjouant les statistiques n’a rien d’étonnant, loin de là. Le sport est synonyme de surprises en tout genre. Il faut une petite touche pour que je vous en parle aujourd’hui, 58 années après la course. À cette époque, les hymnes n’étaient pas joués grâce à des bandes sonores résonnants dans tout le stade  mais grâce à des hauts-parleurs. Une fanfare était désignée et postée au milieu du stade afin de jouer en direct. Et vous sentez arriver ce qu’il s’est passé. La délégation luxembourgeoise, n’avait réellement aucune chance de remporter une médaille d’or pendant ces Jeux Olympiques, en tout cas selon les organisateurs. Manque de bol, Josy est passé par là et a raflé la première place de sa course. La fanfare, totalement désorientée et paniquée par cette nouvelle, s’est empressée de chercher la partition de l’hymne luxembourgeois. En vain, bien sûr !

La cérémonie débute, les musiciens ne savent pas quoi faire. Les trois athlètes reçoivent leur médaille et place aux hymnes. La fanfare tergiverse mais finit par se lancer. Les notes raisonnent. Le public ne bronche pas. Honnêtement, qui peut prétendre connaître l’hymne luxembourgeois s’il n’est pas citoyen de l’Etat ? Seuls le petit comité olympique du pays et Barthel restent dans l’incompréhension. La fanfare continue de jouer une musique inconnue de tous. Ils ont réussi, eux aussi, un exploit. Celui de se mettre d’accord en très peu de temps sur une improvisation.

Mais revenons à l’image ci-dessus, est-ce, tout de même, de l’émotion, du mépris ou de la déception que Josy laisse entrevoir ? On vous laisse vous faire votre avis.

La suite de sa carrière

Suite à cet exploit monumental pour un habitant de ce petit pays entouré de trois grandes puissances, que sont la France, l’Allemagne et la Belgique, Josy Barthel continue sa carrière de coureur professionnel en se limitant au niveau national. Il remporte, comme dit précédemment, encore quatre titres nationaux de 1953 à 1956. Essaye-t-il de participer aux Jeux Olympiques de Melbourne de 1956 ? Continue-t-il sa carrière après son dernier titre en 1956 ? Malheureusement la faible documentation sur cet athlète ne me permets pas de l’affirmer.

Barthel se convertit en 1962 dans une autre fonction. Il devient Président de la Fédération luxembourgeoise d’athlétisme, puis entre dans le domaine de la politique. Selon certaines sources, il serait passé d’élu communal, à député en passant par la case de Ministre.

Josy Barthel
Un timbre luxembourgeois à son effigie
Crédit photo : Wopa

Josy Barthel a marqué l’histoire sportive de son pays en devenant une fierté nationale. Les luxembourgeois le mettent à l’honneur dès que possible : dans les stades, cérémonies ou encore sur ce timbre de collection ci-dessus.

Rares sont les athlètes pouvant affirmer avoir transformé la culture sportive d’une Nation. Même si Barthel est entré dans les légendes olympiques par ce malentendu de fanfare, il restera à jamais un coureur d’exception. Il est le synonyme de l’abnégation et le fait de ne pas abdiquer face aux pronostiques. Pour cela, Josy Barthel mérite d’être connu de tous. Alors du fond du cœur, Bravo Josy ! Merci de nous avoir montré qu’ « Everything is possible » comme dirait Kevin Garnett.

Crédit Photo : todocoleccion
Thomas FRAISSE

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