Le 25 décembre 1914, alors que l’Europe est à feu et à sang, une scène lunaire s’est déroulée pour ne pas dire noëlesque. Dans le froid des tranchées, prémices d’une guerre longue et éreintante loin de la chaleur réconfortante des foyers, a lieu l’un des plus célèbres miracles de Noël. Revenons ensemble sur ce moment mystique de l’histoire du sport.
Noël 1914, un contexte historico-sportif singulier
Dans un contexte géo-politique extrêmement tendu, les Balkans, véritable poudrière, explosent à l’été 1914, tout cela sous l’impulsion de l’assassinat de l’Archiduc François-Ferdinand à Sarajevo le 28 juillet 1914. Le responsable de ce crime de lèse majesté, un anarchiste serbe de Bosnie répond au nom de Gavrilo Princip. S’ensuit une réaction en chaîne qui résulte du système des alliances. L’Europe entière s’embrase, la Première Guerre Mondiale vient de débuter.
Au mois de décembre 1914, la situation sur le front occidental vient de stabiliser. À la suite d’une offensive surprenante les Allemands se retrouvent aux portes de Paris au mois de septembre. Cependant Britanniques et Français réussissent à contenir l’avancée teutonne et réussissent même à les repousser. Cette contre-offensive débouche sur la formation d’un front statique composé de tranchées. Il s’étend sur 750 km de la mer du nord aux Vosges. Concentrons nous donc sur une partie de ce front plus précisément sur l’extrême Nord du front, aux alentours de la ville d’Ypres dans la Flandre belge.
Soldats allemands, anglais et français, ennemis de la veille, se retrouvent pour fêter Noël en plein milieu du No Man’s land recouvert d’un blanc immaculé. La neige tel un gracile pansement tentant de recouvrir une plaie béante sera le témoin d’une brève mais intense réconciliation. Le catalyseur de cette amnésie spontanée affectant des militaires, qui s’entre-tuaient la veille, n’est autre que le sport. Ce dernier revêtit l’un de ses aspects le plus populaire. Natif d’Angleterre et se jouant avec les pieds le football s’imposa comme point de concordance entre ces trois grandes nations européennes. On doit la création du football moderne tel que nous le connaissons à nos voisins d’Outre-Manche.
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En effet, il est possible de dater la naissance du football moderne à 1863. Cette date coïncide avec la création de la fédération anglaise, The Football Association. Par la suite le football s’exporte dans le reste de l’Europe à la fois en France et en Allemagne. De ce fait il est nécessaire de préciser que seul une élite aristocratique s’adonnait à la pratique du sport. Celle-ci le qualifiait alors de sport « populaire ». Il faut donc attendre 1887 pour que le premier club de football soit créé en Allemagne. Ce dernier se nomme alors le SC Germania Hambourg. En ce qui concerne la France c’est en 1894 que l’USFSA (NDLR : Union des sociétés françaises de sports athlétiques) reconnait officiellement ce sport. Pourtant le premier club de France, les Girondins de Bordeaux, existe déjà depuis 1882. Ainsi en 1914 cela fait vingt ans que le sport est ancré dans la culture ouvrière et masculine. Mais qui retrouvons nous sur le front ? Des hommes appartenant à la population active, ce qui explique cette concordance entre soldats peu importe leurs nationalités.
Le récit d’une journée unique
En ce 25 décembre 1914, il est difficile de s’imaginer un monde où les rivalités entre puissances s’expriment sur un carré de pelouse d’un demi-hectare. Un carré de pelouse où seulement vingt-deux personnes sont concernées et même si elles s’y battent ardemment, elles ne risquent pas d’y laisser leur peau. C’est donc au milieu de la bestialité, de la sauvagerie et de l’horreur humaine que jaillit une once de fraternité ce fameux 25/12/1914, et quoi de mieux que Noël pour la cristalliser ?
Ainsi ce sont les allemands qui se sont montrés les plus téméraires. Ils avaient disposé des sapins le long de leur tranchée. Puis ils se mirent à entonner des chants de Noël lorsqu’ils se décidèrent à s’aventurer sur le No Man’s land. Leur objectif était d’inciter soldats français et britanniques à se joindre à ce cortège composite. Pour finir, les tentatives inédites de réconciliation aboutirent à la réunion de tous les soldats. Ils eurent la chance également de pouvoir assister aux prestations du célèbre chanteur d’opéra, l’allemand Walter Kirchhoff.
Les célébrations allant bon train, des parties improvisées de football virent le jour entre allemands, français et britanniques. Le cuir valdinguait en plein milieu du champ de bataille recouvert d’une neige blanche, aussi blanche que les plumes d’une colombe, celle de la paix. De ce fait, le football était devenu l’espace d’un instant les sutures raccommodant cette plaie béante, à vif, ouverte par la fureur destructrice de l’homme. Français, Britanniques et Allemands n’étaient plus que des hommes partageant autour d’une partie de ballon rond un amour primitif, un amour universel, un amour profond.
Cette fraternité naissante perpétra quelques jours avant que l’état-major des deux armées jugèrent d’un mauvais œil cet esprit nouveau. Effectivement, les gradés des deux armés le considérait comme une menace à l’esprit de guerre nécessaire pour remporter la victoire finale. Par conséquent les régiments, auxquels appartenaient les soldats perçus comme dissidents, furent dissous ou réaffectés sur d’autres portions du front.
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L’équipe des Olympistes, vous souhaite à tous de joyeuses fêtes. Elle vous invite également à visionner le film Joyeux Noël réalisé par Christian Carion. En effet il détaille davantage les événements du 25 décembre 1914.