Une ligne droite, une chicane à négocier, c’était trop demander aux nouveaux ennemis de la Formule 1. La course s’est arrêtée brusquement pour Verstappen et Hamilton dans le bac à graviers du virage 2 de Monza. Après l’ambiance de barfight dans les paddocks entre Mercedes et Red Bull, la FIA a décidé de sanctionner le Néerlandais. Alors, à qui la faute ?
Grâce à F1TV et quatre images de ces quelques secondes, nous allons pouvoir décortiquer l’accrochage. Cette analyse n’a pour but que de comprendre concrètement l’incident de course sans pointer un pilote fautif.
Avant de se plonger concrètement dans les images, le contexte est clairement important. Verstappen et Hamilton ne courraient, quelques tours avant l’incident, pas du tout pour les mêmes places. Verstappen mettait la pression sur Ricciardo, alors en tête, en essayant d’over-cut la McLaren. À son arrivée aux stands, un arrêt express aurait permis à Verstappen de se maintenir sur les avants de la course. Mais scène insolite, Red Bull foire totalement le pit (11 secondes). Flairant le bon coup, Mercedes joue l’arrêt pour Hamilton, qui peut ressortir devant son rival en cas d’arrêt correct. Mais rebelotte, l’écurie anglo-allemande met trop de temps à changer les quatre roues, permettant à Norris et Verstappen d’être aux côtés du Britannique dans la sortie des stands. Vous pouvez retrouver la vidéo de l’incident ici, sur le YouTube de Canal+F1.
Etape 1 : Différentiel de vitesse avec Norris

Sur cette image, l’action est claire. Hamilton sortant des stands ne pourra rien faire contre le retour de Lando Norris mais espère tout de même gêner Verstappen en utilisant la fin de ligne droite et l’aspiration de la McLaren. Sa ligne de course semble plutôt limpide : foncer tout droit, voire milieu de piste, pour rester devant au premier virage et attaquer le virage deux plus sereinement.
Etape 2 : Verstappen tassé

Peut-être que le Britannique ne se sentait pas assez proche de Norris pour être aspiré ou que son calme a disparu. Toujours est-il qu’après avoir laissé la McLaren filer, Hamilton repique instantanément sur la ligne de Verstappen. Cette technique, fréquemment utilisée par Michael Schumacher sur le mur des stands, n’a qu’un seul but : faire freiner son concurrent et prendre le dessus psychologique. Obliger un adversaire à ralentir, c’était le graal que recherchait également Ayrton Senna durant sa carrière. Mais la législation a changé, les pilotes ne doivent plus changer de ligne sur le point de freinage. Peut-on considérer que Hamilton change délibérément de trajectoire ? Litigieux, c’est en tout cas le débat qui a cassé le duo Julien Fébreau – Franck Montagny.
Du côté de Verstappen, il ne peut que forcer son passage car déjà engagé dans sa ligne de freinage. Hormis freiner un peu plus tôt pour laisser Hamilton à droite du virage 1 puis décroiser, ce qui semble difficile étant donné la vitesse de l’action. Le Néerlandais ne peut que subir l’attaque du septuple champion du monde.
Etape 3 : Espace laissé, balle au centre

Mais il faut le reconnaître, à l’intérieur du virage 1, Hamilton suit parfaitement le règlement de la FIA. Il frôle le vibreur à droite pour attaquer le second virage plutôt à l’extérieur. Le Britannique laisse de l’espace au pilote Red Bull. Peut-être souhaite-t-il laisser Verstappen légèrement devant sur le virage 2 pour avoir l’intérieur sur la ligne droite légèrement incurvée vers la Mercedes. Verstappen semble à son tour tasser la Mercedes mais à une échelle moins importante que la prochaine étape. Toujours est-il qu’à cet instant, Hamilton se reprend vis-à-vis de son précédent changement de ligne et conserve un semblant de « race fair« .
Etape 4 : Choix cornélien pour Verstappen

Et patatras ! Mais que fait-il ? Hamilton laisse sa voiture reprendre l’ascendant dans le virage 2 en envoyant Verstappen court-circuiter la chicane. Hamilton avait-il en tête de conserver l’extérieur du virage et sa ligne de course, comme le règlement le stipule noir sur blanc ? C’est pourtant ce qu’il affirme aux micros des journalistes du monde entier. Une défense rusée mais contraire à la réalité.
Dans la monoplace adverse, Max n’a pas d’options qui ne le pénalise pas. Première option, il coupe la chicane et relaisse passer Hamilton dans la ligne droite sous peine d’être sanctionné par les commissaires pour dépassement illégal. On peut également y rajouter un risque évident de dégâts matériels en abordant les vibreurs jaunes et noirs, pouvant détruire facilement l’aileron, les suspensions ou encore modifier l’équilibre aéro de la monoplace. Tout laisse à penser, que cette solution n’est pas idéale. Deuxième solution, le pilote part au contact de Hamilton dans le virage 2 et espère mettre au tapis son adversaire en pouvant repartir sans trop de dégâts.
La suite, on la connaît. Hamilton et Verstappen se touchent, partent les deux dans le bac à graviers et n’échangent même pas un regard. La décision de Verstappen aurait pu être dramatique, surtout avec la violence du choc de la roue arrière sur le halo de la Mercedes. Mais, comme on l’a vu, il n’y avait pas solution viable pour l’intérêt personnel du Néerlandais.
Etape 5 : pénalité injustifiée ?
L’incident aurait pu se clore, logiquement, sur un simple fait de course et la FIA alertant les deux pilotes du danger de leur rivalité sur les prochaines courses. Mais l’équipe de Michael Masi décide en fin de journée de pénaliser Verstappen, redoutant peut-être un contact à plus de 300km/h au virage 1 de Sotchi. Ici, la décision de Verstappen a envoyé les deux hommes dans le mur. Mais la défense de Hamilton, déclarant avoir toujours laissé de la place à son concurrent, est facilement réfutable. De son côté, Verstappen s’est puni tout seul en décidant d’aller au contact et espérer grapiller quelques points supplémentaires. Un incident comme un millier d’autres dans l’histoire, aux tords réciproques, voire penchant légèrement vers Hamilton, attribué à Verstappen. Les commissaires sont-ils impartiaux ?