Avant d’être un rôle, devenir arbitre est un choix. Aujourd’hui, Les Olympistes décident de s’intéresser à deux d’entre eux : Emilie Genaudeau a 19 ans, elle est arbitre basket depuis 4 ans en « pré-région ». Romain Retif, lui, a 20 ans : arbitre au football depuis 3 ans, il officie aujourd’hui en U19 Nationaux et Régional 2 Séniors ; depuis juillet dernier, il est Jeune Arbitre de la Fédération. Alors le temps d’un article, mettons nous à leur place, dans l’œil de l’arbitre.
Etre « jeune arbitre », une difficulté ?
ROMAIN – On se fait respecter quand on sait siffler ce qu’il faut siffler, tout en intégrant la parole, les gestes, le sourire qui vont avec, y compris lorsque l’on est amené à 19/20 ans à arbitrer des joueurs expérimentés. En mon sens, il y aura toujours quelqu’un pour vous taquiner un peu, sans méchanceté. Les joueurs sont de plus en plus incorrects sur le terrain et parfois, malheureusement, notre corporation peut être touchée sur plusieurs points, jusqu’à l’agression physique et menaces de morts, ce qui arrive trop souvent aujourd’hui.
EMILIE – J’ai commencé l’arbitrage à 15 ans, et effectivement, c’est quelques fois un problème d’arbitrer des adultes. Le comité, faute d’effectif, envoie les plus jeunes arbitres sur des championnats séniors qui peuvent s’avérer très difficiles. J’étais confrontée tous les week-ends à la prise de décision, à la gestion d’acteurs et d’un groupe, et surtout à la responsabilité. A cet âge-là, il n’y a pas meilleure école que l’arbitrage. En soit, être jeune n’est pas le problème. Le problème c’est l’indulgence qu’on ne laisse que très peu aux jeunes.
« A cet âge-là, il n’y a pas meilleure école que l’arbitrage. »
Avez-vous déjà vécu de très mauvaises expériences ?
ROMAIN – J’ai toujours fait en sorte de n’avoir que de bonnes expériences, mais les mauvais matchs où l’on ne s’est pas senti à la hauteur servent de bonnes expériences. Chaque arbitre progresse match après match. De mon côté, je n’ai jamais eu de souci particulier avec un joueur, un staff.
EMILIE – Je n’ai pas eu de matchs qui se sont vraiment mal déroulés. Mais ce sont des insultes et des remarques à répétition. Il faut savoir être calme et prendre sur soi pour être arbitre.
Un mot sur la pression du public ? Comment est-ce qu’on la gère au quotidien ?
ROMAIN – Même à un petit niveau, des insultes ou autres critiques au bord du terrain peuvent s’entendre assez facilement. Je sais où je mets les pieds le week-end, mais je fais toujours en sorte de ne pas entendre les petits noms d’oiseaux qui sortent de temps en temps.
EMILIE – La pression se gère de différentes manières. Elle se gère selon les personnalités et les tempéraments. Celle mise par le public n’est pas vraiment agréable, il faut savoir passer outre, et se concentrer sur ce qui compte vraiment : le match.

Quelle est votre préparation avant un match, qu’il soit important ou non ?
ROMAIN – Je connais mes désignations entre 7 et 10 jours à l’avance, ce qui me permet de préparer mon match sur plusieurs points : athlétique (4 séances / semaine), technique, mental aussi, qui est un aspect à ne pas négliger. Lors de mes déplacements en U19 Nationaux (souvent à 350/400 kms de chez moi), je prends la route la veille pour avoir moins de fatigue cumulée.
EMILIE – Moi je n’ai pas réellement de rituels qui me permettent de me concentrer, mais je me mets dans ma bulle quelques heures avant le match. Je regarde les anciens scores des équipes, leur classement, leur coach… c’est ce qui me permet de rentrer à 100% dans la rencontre avant qu’elle ne commence. Une discussion avec notre collègue d’avant match fait aussi retomber la pression.
Votre formation a-t-elle été un long processus ?
ROMAIN – Concernant ma formation, j’ai commencé en Novembre 2016 en District, puis la réussite et peut-être un peu de talent selon certains m’ont permis de monter rapidement au niveau Ligue avec des matchs plus intéressants (championnats régionaux jeunes). J’ai été présenté à l’examen théorique de la Fédération en juin 2018 à Reims, que j’ai eu. J’ai fait mes preuves en U17 Nationaux dans un premier temps, et les bons matchs réalisés m’ont permis d’arbitrer avec l’écusson « bleu blanc rouge » pendant 2 saisons. Il a fallu beaucoup travailler pour en arriver là, surtout l’aspect théorique qui est important et particulier.
EMILIE – Concernant la formation pour devenir arbitre, celle-ci est conséquente mais indispensable pour ne pas se faire démonter facilement sur le terrain. Des stages de recyclage sont ensuite obligatoires chaque début d’année pour nous mettre à jour sur les nouvelles règles, et pour en apprendre davantage sur la gestion des acteurs.
« Il a fallu beaucoup travailler pour en arriver là. »
Pensez-vous que l’on sensibilise assez à la pratique de l’arbitrage ?
ROMAIN – Beaucoup de campagnes sont menées par les districts pour attirer les arbitres, jeunes et moins jeunes à se lancer dans cette aventure. Les réseaux sociaux vont dans ce sens là également. Les incidents dont je parlais permettent sans le vouloir de sensibiliser le public dans son ensemble à notre pratique.
EMILIE – Les joueurs ne sont pas assez formés à l’arbitrage. La plupart ne connaissent pas les nouvelles règles et n’ont jamais ouvert un règlement de leur vie. C’est ahurissant de se rendre compte que des personnes jouant au basket depuis près de 10 ans ne connaissent aucune règle précisément. Ils en savent juste assez pour pouvoir jouer. Et ils s’en satisfont.
Que dire de la relation que l’on doit avoir avec ses partenaires ?
ROMAIN – Nous ne sommes jamais seuls, sur et en dehors du terrain : « sur » parce que l’on officie à 3, voire 4, et « en dehors » parce que l’arbitrage dans le foot, c’est une famille de 26000 personnes, des échanges, ce sont aussi nos clubs qui nous soutiennent dans ce que l’on fait, qui nous suivent !
EMILIE – Nous sommes constamment avec un nouveau collègue lors de nos matchs, mais grâce à ça, j’ai rencontré énormément de personnes formidables. C’est une vraie leçon de vie, et un vrai challenge de nouer des relations en 10 minutes d’avant-match pour être sur la même longueur d’onde et pouvoir faire un match cohérent, qui nous ressemble à tous les deux.

Emilie, que penses-tu des préjugés (même moins nombreux) sur l’arbitrage féminin ?
EMILIE – L’arbitrage n’est pas masculin ou féminin. Pour ma part, l’arbitrage est l’un des seuls endroits où le fait d’être une femme ou un homme ne change absolument rien. Pour chaque critère qu’on nous demande, le fait d’être l’un ou l’autre n’avantage pas. Depuis deux ans, a été créé une formation « féminine » avec seulement des arbitres et formatrices femmes. Contrairement à ce que l’on peut penser, cette formation ne nous apprend pas à gérer les hommes, ou à comment bien vivre en étant une femme mais simplement à nous rassembler par un autre critère que « départemental » ou « régional », et de pouvoir suivre une formation supplémentaire, en ayant des apports d’autres arbitres régionaux.
« L’un des seuls endroits où le fait d’être une femme ou un homme ne change absolument rien »
Comment l’arbitrage, est, selon vous, perçu par la société ?
ROMAIN – Malgré les connotations parfois négatives de l’arbitrage par les médias, – dans les championnats professionnels par exemple – l’arbitrage est vu par la société comme quelque chose d’important, reconnu dans le monde du travail parfois (ce qui est mon cas). L’arbitre est un leader humble et je trouve qu’aujourd’hui, ce côté « humble » de la population manque.
Qu’est-ce que l’arbitrage vous a apporté ?
ROMAIN – Arbitrer m’a permis de gagner de la confiance en moi c’est sûr, moins de timidité, toujours souriant près des gens, dans le dialogue, ça m’a permis d’être moi, tout simplement.
EMILIE – L’arbitrage m’a apporté énormément de choses. Autant dans la confiance en moi que dans ma relation avec les autres. C’est une école de la vie et je conseille à tout le monde de venir voir ce qui se passe du côté des petits gris.