Aux alentours de la 100ème place mondiale il y a seulement 3 ans, le tennisman russe, Daniil Medvedev figure aujourd’hui à la 4ème place mondiale après deux saisons prodigieuses. Impressionnant de régularité dans son jeu, il s’est aussi distingué pour son comportement parfois impulsif et sa communication délicate hors du terrain. Les Olympistes ont décidé de décrypter ce joueur de 23 ans à l’avenir alléchant.
Une progression exponentielle
Daniil Medvedev est né le 11 février 1996 à Moscou où il commence le tennis à l’âge de 6 ans. Très à l’aise raquette à la main, il intègre le circuit mondial junior à ses 14 ans. Il y gagne 8 tournois, aucun majeur, et atteint la 13ème place en 2013. Des performances certes prometteuses mais loin de dévoiler l’avenir qui l’attend. Heureusement, en 2014, alors qu’il a eu 18 ans et qu’il est devenu professionnel, il attire l’œil d’un français, Gilles Cervara, qui lui propose de venir s’entraîner dans un tout nouveau centre à Cannes. Le russe saute sur l’occasion et quitte la fraîcheur moscovite pour la chaleur du sud de la France. C’est un choix payant puisque de 2014 à 2016 il remporte 4 tournois Futures, représentants le plus bas échelon des tournois de tennis professionnel. En mai 2016, il se qualifie pour la première fois à un tournoi ATP, le challenge de Nice. À peine un an plus tard, il joue sa première finale à l’ATP 250 de Chennai et signe son entrée dans le top 50. En 2017, étant qualifié pour le tournoi de Wimbledon (un des 4 tournois Majeurs), il est plongé dans le grand bain en affrontant le suisse et tête de série Stan Wawrinka. Il contredit tous les bookmakers en s’imposant au terme d’une rencontre impressionnante qui marque le suisse : « Il joue très bien. Il est vraiment solide. Il a un jeu pénible à jouer. Il a un jeu différent. » dit Wawrinka en conférence de presse post match. Au 2ème tour, il perd péniblement mais ce match reste surtout connu pour être le théâtre de la première scène à grand public d’emportement du tennisman. A la fin du match, il jette des pièces au pied de l’arbitre l’accusant d’être corrompu par son adversaire. Première suspension pour lui et une fin de saison moyenne malgré quelques belles performances.
Si l’année 2018 rime avec réussite, Daniil Medvedev n’est pas de ceux qui diront le contraire. Culminant à la 84ème place mondial et pour son premier tournoi de la saison, il gagne le titre au terme d’un retournement complet du match en finale (1-6, 6-4, 7-5). Il gagne deux autres tournois et se distingue par des victoires de prestige contre Kei Nishikori(n°12 mondial) et Stefanos Tsitsipas (n°15 mondial). Il finit ainsi la saison à la 16ème place mondiale, synonyme de qualification directe pour les 4 Grand Chelems.
La saison 2019 est celle de la consécration pour le russe. Très souvent dans le dernier carré, il atteint la demi-finale du Masters de Monte-Carlo en éliminant Novak Djokovic (n°1 mondial). Après la mi saison, il perd en finale du Masters 1000 au Canada face à Rafael Nadal. Deux semaines plus tard, il retrouve l’espagnol dans un contexte bien différent. Au terme d’un parcours inoubliable en tant que bête noire du public après un geste d’humeur en 1/8ème de finale, il fait briller son talent pour se hisser en finale de l’US Open mais s’incline face à Rafa en 5 sets et plus de 5 heures de jeux d’une intensité extrême. Désormais 4ème mondial derrière le « Big three » (Novak Djokovic: 32 ans, Rafael Nadal: 33 ans et Roger Federer: 38 ans), il est attendu pour prendre la relève et porter haut les couleurs du tennis russe.
Un style de jeu « différent »
Si son jeu peut paraître quelconque, Daniil Medvedev est craint par beaucoup de joueurs. A l’inverse de la variété de jeu de Roger Federer ou la puissance de Rafael Nadal, il se distingue par la fluidité de son jeu presque uniforme à l’image de la nouvelle génération. Kei Nishikori, que le russe a rencontré plusieurs fois, a dit de lui : « Il n’a pas une très grosse arme, mais il voit très bien comment les autres jouent et gère bien comment il joue lui-même contre tous les différents gars. » Il possède un des revers les plus régulier qui peut être efficace le long de la ligne. Il commet également peu d’erreur avec son coup droit mais manque d’explosivité avec un geste de poignet anormal. Cette technique fait de lui un joueur solide du fond de court, avec un bon jeu de jambes, capable de jouer sur toutes les surfaces. Bon nombre de joueurs se sont cassés les dents, allant même jusqu’à casser leur raquette, pour trouver l’ouverture sur lui. Mesurant 1m98, son premier service est puissant mais il manque de dextérité sur sa deuxième balle. Comme beaucoup de jeune tennismen, il est peu à l’aise à la volée mais sait nous faire mentir comme lors de cette majestueuse finale de l’US Open. Telle est la marque des grands joueurs, sortir le coup impossible au bon moment et faire bondir un public qui ne demande qu’à être émerveillé.
Un tempérament hors-norme
C’est ce qui différencie les bons joueurs des champions, savoir en faire plus, dépasser ses limites pour titiller les sommets. Daniil Medvedev est un homme simple et posé mais lorsqu’il rentre sur le court, il montre une force de caractère tumultueuse, frôlant la limite parfois mais le poussant à viser toujours plus haut. Il a aussi su bien s’entourer pour canaliser ses forces et donner la meilleure version de lui-même. Sa femme, ancienne joueuse sur le circuit junior, l’aide à aborder ses matchs et le calme lorsque la tension monte sur le court. « Elle a toujours cru en moi, elle a dit que je pouvais y arriver et ce que je devais faire. » exprime Daniil Medvedev lorsqu’il évoque sa compagne. Elle est comme un appui moral en plus de la psychologue du sport que le russe consulte. Son entraîneur, Gilles Cervara, joue également un rôle important pour ce joueur impulsif et provocateur. Une relation humaine s’est forgé entre eux deux et Gilles sait comment appréhender le russe. Il reste calme lorsque son protégé s’emporte et le rassure par un regard serein ou un geste limpide. Il faut savoir que lorsque Daniil s’énerve, il s’en prend à tout ce qui bouge. Des pièces jetées à l’arbitre, à un doigt d’honneur au public en passant par des gestes d’humeur constants sur le terrain, le tennisman ne s’est pas fait que des amis le long de sa jeune carrière. En 2016, alors que l’arbitre de chaise accorde un point litigieux à son adversaire, Daniil Medvedev s’énerve et crie à l’arbitre : « Je sais que vous êtes amis. J’en suis sûr. » Il fait alors référence au fait que les deux hommes sont noirs. Un coup d’éclat qui lui vaudra logiquement une sanction et une image du badboy du tennis. Mais, comme le dit son entraîneur, ce tempérament explosif lui permet de faire des choses extraordinaires.

Crédit photo : Eurosport
Le parcours du russe à l’US Open 2019 reflète parfaitement sa personnalité. Hué en 1/8ème de finale après s’être énervé sur un ramasseur de balle. Il provoque le public en annonçant que cette énergie, bien que négative, lui donne de la force. La suite, on la connaît, alors qu’il est mené deux sets à zéro par Rafael Nadal en finale, il fait preuve d’une force de caractère bouleversante pour gagner les deux sets suivants. Il s’incline 6/4 dans le dernier set mais gagne la reconnaissance du mythique râleur John McEnroe, du public et bien plus encore.